argent que comme amour-propre. C'etait la premiere et ce sera
probablement la derniere fois de ma vie que j'aurai ecrit quelques
lignes sans les signer.
Mais, du moment que je consentais a laisser au ministre la
responsabilite d'un ecrit de moi, je devais accepter aussi la censure du
ministre, ou des personnes qu'il commettait a cet examen. C'etait une
preuve de confiance personnelle de ma part envers M. Ledru-Rollin,
la plus grande qu'un ecrivain qui se respecte puisse donner a un ami
politique.
Il avait donc, lui, la responsabilite politique de mes paroles, et les
cinq ou six _Bulletins_ que je lui ai envoyes ont ete examines. Mais le
XVIe _Bulletin_ est arrive dans un moment ou M. Elias Regnault, chef du
cabinet, venait de perdre sa mere. Personne n'a donc lu, apparemment, le
manuscrit avant de l'envoyer a l'imprimerie. J'ignore si quelqu'un en a
revu l'epreuve. Je ne les revoyais jamais, quant a moi.
Un moment de desordre dans le cabinet de M. Elias Regnault, desordre
qu'il y aurait cruaute et lachete a lui reprocher, a donc produit tout
ce scandale, que, pour ma part, je ne prevoyais guere et n'ai jamais
compris jusqu'a present.
Comme, jusqu'a ce fameux _Bulletin_, il n'y avait pas eu un mot a
retrancher dans mes articles, ni le ministre, ni le chef du cabinet
n'avaient lieu de s'inquieter extraordinairement de la difference
d'opinion qui pouvait exister entre nous.
Apparemment, M. Jules Favre, secretaire general, qui, je crois,
redigeait en chef le _Bulletin de la Republique_, etait absent, ou
preoccupe aussi par d'autres soins. Il est donc injuste d'imputer au
ministre ou a ses fonctionnaires le choix de cet article parmi trois
projets rediges sur le meme sujet _dans des nuances differentes_. Je
n'ai pas le talent assez souple pour tant de redactions et c'eut ete
trop exiger de mon obligeance que de me demander trois versions sur la
meme idee. Je n'ai jamais connu trois manieres de dire la meme chose, et
je dois ajouter que le sujet ne m'etait point designe.
Une autre circonstance que je me rappelle exactement et qu'il est bon
d'observer, c'est que l'article avait ete envoye par moi le mardi 12
avril, alors qu'il n'etait pas plus question, dans mon esprit, des
evenements du 16, que dans les previsions de tous ceux qui vivent
comme moi en dehors de la politique proprement dite. Par suite de la
preoccupation douloureuse du chef du cabinet, cet article n'a paru que
le 16: c'est dire assez que, dans l'ag
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