uelques personnes dont le jugement ne vous est pas indispensable non
plus. Mais, pour l'acquit de ma conscience, de mon affection, je me
dois (au risque de faire _l'importante_) de vous dire cela; vous le
comprendrez comme je vous le donne, de bonne foi et de bon coeur.
On me dit ici que j'ai ete compromise dans l'affaire du 15 mai. Cela est
tout a fait impossible, vous le savez. On me dit aussi que la commission
executive s'est opposee a ce que je fusse poursuivie. Si cela est, je
vous en remercie personnellement; car ce que je deteste le plus au
monde, c'est d'avoir l'air de jouer un role pour le plaisir de me
mettre en evidence. Mais, si l'on venait a vous accuser de la moindre
partialite a mon egard, laissez-moi poursuivre, je vous en supplie. Je
n'ai absolument rien a craindre de la plus minutieuse enquete. Je n'ai
rien _su_ ni avant ni pendant les evenements, du moins rien de plus que
ce qu'on voyait et disait dans la rue. Mon jugement sur le fait, je ne
le cache pas, je l'ecris et je le signe; mais je crois que ce n'est pas
la _conspirer_.
Adieu et a vous de tout mon coeur.
GEORGE SAND.
CCLXXX
AU CITOYEN THEOPHILE THORE, A PARIS.
Nohant, 28 mai 1848
Cher Thore,
Je vous enverrai de la copie, non pas une eclatante protestation comme
vous me disiez, mais la suite (et non la fin) de la protestation de
toute ma vie.
Quant a l'affaire du 15, je passerai a cote. Elle est accomplie, je n'ai
plus le droit de la blamer puisqu'elle est vaincue, et je garderai le
silence sur les hommes qui l'ont soulevee et que nous n'aimons pas.
Seulement je, peux vous dire, a vous, que, lorsque j'appris, dans la
foule, ce bizarre melange de noms, jetes en defi a l'avenir, je rentrai
chez moi decidee a ne pas me faire arracher un cheveu pour des Raspail,
des Cabet et des Blanqui. Tant que ces hommes s'inscriront sur notre
banniere, je m'abstiendrai. Ce sont des pedants et des theocrates; je ne
veux point subir la loi de l'individu et je m'exilerai le jour ou nous
ferons la faute de les amener au pouvoir.
Ne me dites point de n'avoir pas peur, ce mot-la n'est pas francais. Je
suis trop lasse de la vie pour eviter une occasion de la perdre, trop
ennemie de la propriete pour ne pas desirer de m'en voir debarrassee
trop habituee a la fatigue et au travail pour comprendre les avantages
du repos.
Mais ma conscience est craintive et je pousse loin le scrupule quand il
s'agit de consei
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