z par le _mal de desespoir_. Le desespoir ne peut pas raisonner, il
ne peut pas attendre. La est le malheur. Le peuple n'a pas eu confiance
en l'Assemblee nationale, et, aujourd'hui, nous voyons bien que son
instinct ne l'avait pas trompe; car l'Assemblee nationale, sauf une
minorite republicaine meritante, et une infiniment petite minorite
socialiste, enterre toutes les questions vitales de la democratie.
Mais ce n'est point par le combat que le peuple triomphera d'ici a
longtemps. On a trop effraye la bourgeoisie proprietaire. Elle croit
qu'on veut tout lui ravir, l'argent et la vie, et elle trouve de l'appui
dans la majorite du peuple, qui craint aussi pour l'ombre de propriete
qu'elle possede ou qu'elle reve. Je crois que la question est retardee
parce qu'elle est mal posee de part et d'autre.
Il y a, selon moi, deux especes de proprietes: la propriete individuelle
et la propriete sociale. Les bourgeois ne veulent reconnaitre que
la premiere; certains socialistes, pousses a l'extreme par cette
monstrueuse negation de la propriete sociale, ne veulent reconnaitre que
la seconde.
Cependant plus les societes se civilisent et se perfectionnent, plus
elles etendent le fonds commun, pour faire contrepoids a l'abus et a
l'exces de la propriete individuelle. Mais il doit aussi y avoir une
borne a cette extension de la propriete commune; autrement, la liberte
individuelle et la securite de la famille periraient.
Aussi le ministre Duclerc avait une pensee vraiment sociale en voulant
donner a l'Etat le monopole des chemins de fer et des assurances contre
l'incendie. C'etaient des mesures parfaitement logiques et qui devaient
s'etendre a mesure que la societe en aurait recueilli le benefice. Ainsi
tout ce qui concerne les voies de communication, les routes, les canaux
et les richesses qui, de leur nature, sont communes a tous, les grandes
mesures financieres portant sur les hypotheques et qui peuvent mettre
l'argent a bon marche, tout cela devra etre socialise avec le temps,
pourvu que la bonne volonte y soit. Mais elle n'y est pas, la verite
ayant ete outrepassee par les ecoles socialistes qui vont jusqu'a oter
a l'individu, sa maison, son champ, son jardin, son vetement et meme sa
femme.
La peur, une peur pusillanime et furieuse en meme temps, s'est emparee
de la bourgeoisie. Et puis les speculateurs qui, sous la derniere
monarchie, se sont empares de ces richesses communes (et c'est en ce
sens que Proudhon a raison
|