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r je n'ai pas passe une heure, depuis le 15 mai, sans penser a vous et sans me tourmenter de votre situation. Je sais que cela vous occupe moins que nous; mais enfin il m'est doux d'apprendre qu'elle est devenue materiellement supportable. Ah! oui, je vous assure que je n'ai pas goute la chaleur d'un rayon de soleil sans me le reprocher, en quelque sorte, en songeant que vous en etiez prive. Et moi qui vous disais: "Trois mois de liberte et de soleil vous gueriront!" On m'a dit que j'etais _complice_ de quelque chose, je ne sais pas quoi, par exemple. Je n'ai eu ni l'honneur ni le merite de faire quelque chose pour la cause, pas meme une folie ou une _imprudence_, comme on dit; je ne savais rien, je ne comprenais rien a ce qui se passait; j'etais la comme curieux, etonne et inquiet, et il n'etait pas encore _defendu_, de par les lois de la Republique, de faire partie d'un groupe de badauds. Les nouvelles les plus contradictoires traversaient la foule. On a ete jusqu'a nous dire que vous aviez ete tue. Heureusement, cela etait dementi au bout d'un instant par une autre version. Mais quelle triste et penible journee! Le lendemain etait lugubre. Toute cette population armee, furieuse ou consternee, le peuple provoque, incertain, et a chaque instant, des legions qui passaient, criant a la fois: _Vive Barbes!_ et _A bas Barbes!_ Il y avait encore de la crainte chez les vainqueurs. Sont-ils plus calmes aujourd'hui apres tout ce developpement de terrorisme? j'en doute. Enfin, je ne sais par quel caprice, il parait qu'on voulait me faire un mauvais parti, et mes amis me conseillaient de fuir en Italie. Je n'ai pas entendu de cette oreille-la. Si j'avais espere qu'on me mit en prison pres de vous, j'aurais crie: _Vive Barbes_! devant le premier garde national que j'aurais trouve nez a nez. Il n'en aurait peut-etre pas fallu davantage; mais, comme femme, je suis toujours forcee de reculer devant la crainte d'insultes pires que des coups, devant ces sales invectives que les _braves_ de la bourgeoisie ne se font pas faute d'adresser au plus faible, a la femme, de preference a l'homme. J'ai quitte Paris, d'abord parce que je n'avais plus d'argent pour y rester, ensuite pour ne pas exposer Maurice a se faire _empoigner_; ce qui lui serait arrive s'il eut entendu les torrents d'injures que l'on exhalait contre tous ses amis et meme contre sa mere, dans cet immense corps de garde qui avait remplace le Paris du peuple, le Paris
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