es agreer a vos amis, l'expression de mes
sentiments fraternels.
GEORGE SAND.
CCLXXXVII
A JOSEPH MAZZINI, A LONDRES
Nohant, 30 septembre 1848.
Ami,
Je ne sais si vous avez recu deux lettres que je vous ai ecrites a
Milan, l'une pendant nos horribles evenements de juin, l'autre, quelque
temps apres. Comme je vous sais plein de courage pour ecrire a ceux qui
vous aiment, je presume, si vous ne m'avez pas repondu, que vous n'avez
rien recu. Dieu sait quels obstacles peuvent etre entre nous! Je n'en
verrais le motif de la part d'aucune police europeenne; car nous sommes
desormais de ceux qui conspirent au grand jour. Mais, enfin, nous vivons
dans un temps ou toutes choses ne s'expliquent pas. Si vous recevez
celle-ci, ayez la bonte de me faire savoir, ne fut-ce que par un mot,
que vous savez que je pense a vous.
Heureusement, j'ai eu de vos nouvelles par Eliza Ashurst. Presque toutes
les lettres que vous avez ecrites a ses parents lui ont ete adressees a
Paris, d'ou elle me les a envoyees ici, d'ou, enfin, je les renvoie a
Londres. Vous voyez que vos petits bouts de papier circulent beaucoup et
interessent plus d'une famille. J'ai donc su vos malheurs, vos douleurs,
vos agitations; je n'avais pas besoin de les lire pour les apprecier.
Je n'avais qu'a interroger mon propre coeur pour y trouver toutes vos
souffrances, et je sais que vous avez du ressentir aussi les miennes. Ce
qui s'est passe a Milan est mortel a mon ame, comme ce qui s'est passe
a Paris doit etre dechirant pour la votre. Quand les peuples combattent
pour la liberte, le monde devient la patrie de ceux qui servent cette
cause. Mais votre situation est plus logique et plus claire que la
notre, quoiqu'il y ait au fond les memes elements. Vous avez l'etranger
devant vous et les crimes de l'etranger s'expliquent comme la lutte du
faux et du vrai. Mais nous qui avons tout recouvre en fevrier, et qui
laissons tout perdre, nous qui nous egorgeons les uns les autres sans
aller au secours de personne, nous presentons au monde un spectacle
inoui.
La bourgeoisie l'emporte, direz-vous, et il est tout simple que
l'egoisme soit a l'ordre du jour. Mais pourquoi la bourgeoisie
l'emporte-t-elle, quand le peuple est souverain, et que le principe de
sa souverainete, le suffrage universel, est encore debout? Il faut enfin
ouvrir les yeux, et cette vision de la realite est horrible. La majorite
du peuple francais est aveugle
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