oposer. Je dis qu'ils sont tous bons par eux-memes et
qu'ils seraient excellents en venant se fondre dans un systeme consenti
par la nation. Mais ou est le consentement? Les riches ne veulent pas,
et les pauvres ne savent pas. Un principe se formule en trois mots, et
s'appuie sur des raisons purement philosophiques. Ces raisons peuvent
etre facilement acceptees de tous, parce que ce qui est vrai et beau
saisit presque tout le monde; qui osera dire que Socrate, Jesus,
Confucius et les autres grands revelateurs se sont trompes? Mais, quand
on arrive au fait palpable, chacun a son avis, et il faut bien consulter
tout le monde pour agir.
Voila pourquoi les pensees de colere doivent etre refoulees en nous, par
le sentiment meme de la fraternite et de la justice. Nous sommes bien
forces, si nous aimons l'humanite, de la respecter et de regarder comme
sacree la liberte qu'elle a de se tromper.
Eh quoi! Dieu souffre cette erreur et nous ne la souffririons pas?
Pourquoi vous indigner contre les riches? Est-ce que les riches seraient
a craindre, si les pauvres etaient detaches de l'avarice et du prejuge?
Les riches ne font tout ce mal que parce que le peuple tend le cou.
Si le peuple connaissait son droit, les riches rentreraient dans la
poussiere et nous aurions si peu a les redouter, que personne ne se
donnerait la peine de les hair. Notre obstacle n'est pas la; il est
parmi nous, et nos plus implacables adversaires, a cette heure, sont, a
une imperceptible minorite pres, ceux-la memes que nous voulons defendre
et sauver. Patience donc! Quand le peuple sera avec nous, nous n'aurons
plus d'ennemis et nous serons trop puissants pour ne pas etre encore une
fois genereux.
Quant a moi, je ne veux pas ecrire au courant de la plume pour le public
en ce moment-ci, et c'est precisement pour ne pas me laisser entrainer
par l'emotion. Je ne suis pas toujours aussi calme que je le parais.
J'ai du sang dans les veines tout comme un autre, et il y a des jours ou
l'indignation me ferait manquer a mes principes, a la religion qui est
au fond de mon ame. J'obeis donc a la _prudence_, comme vous le
dites fort bien, mais ce n'est pas a cause de moi. Je n'ai pas cette
qualite-la pour ce qui concerne ma securite personnelle; mais la passion
fait du mal aux autres; elle est un mauvais enseignement, un magnetisme
funeste. J'ai assez de vertu pour me taire, je n'en aurais pas assez
pour parler toujours avec douceur et charite. Or croyez bien que
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