rsecuter comme une chose dangereuse: que les communistes
etaient en petit nombre et tres pacifiques; que, si l'_Icarie_ faisait
leur bonheur, ils avaient bien le droit de rever l'Icarie, etc.
Puis arrivaient des patrouilles de mobiles--il y en avait autant que
d'attroupements--qui passaient au milieu, se melaient un instant a la
discussion, disaient quelques lazzis de gamin, priaient les citoyens de
se disperser, et s'en allaient, repetant comme un mot d'ordre distribue
avec le cigare et le petit verre: _A bas Cabet! Mort aux communistes!_
Cette mobile, si intelligente et si brave, est deja trompee et
corrompue. La partie du peuple incorporee dans les belles legions de
bourgeois a pris les idees bourgeoises en prenant un bel habit flambant
neuf. Souvent on perd son coeur en quittant sa blouse. Tout ce qu'on a
fait a ete aristocratique, on en recueille le fruit.
Dans tout cela, le mal, le grand mal, ne vient pas tant, comme on le
dit, de ce que le peuple n'est pas encore capable de comprendre les
idees. Cela ne vient pas non plus de ce que les idees ne sont pas assez
mures.
Tout ce qu'on a d'idees a repandre et a faire comprendre suffirait a la
situation, si les hommes qui representent ces idees etaient _bons_; ce
qui peche, ce sont les _caracteres_. La verite n'a de vie que dans une
ame droite et d'influence que dans une bouche pure. Les hommes sont
faux, ambitieux, vaniteux, egoistes, et le meilleur ne vaut pas le
diable; c'est bien triste a voir de pres!
Les deux plus honnetes caracteres que j'aie encore rencontres, c'est
Barbes et Etienne Arago. C'est qu'ils sont braves comme des lions et
devoues de tout leur coeur. J'ai fait connaissance aussi avec Carteret,
secretaire general de la police: c'est une belle ame. Barbes est un
heros. Je crois aussi Caussidiere tres bon; mais ce sont des hommes du
second rang, tout le premier rang vit avec cet ideal: _Moi, moi, moi_.
Nous verrons demain ce que le peuple pensera de tout cela a son reveil.
Il se pourrait bien qu'il fut peu content; mais j'ai peur qu'il ne soit
deja trop tard pour qu'il secoue le joug. La bourgeoisie a pris sa
revanche.
Ce _malheureux_ Cabet, Blanqui, Raspail et quelques autres perdent la
verite, parce qu'ils prechent une certaine face de la verite. On ne
peut faire cause commune avec eux, et cependant la persecution qui
s'attachera a eux prepare celle dont nous serons bientot l'objet. Le
principe est viole, et c'est la bourgeoisie qui relever
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