e ainsi vous parait juste et satisfaisant, vous
pourrez, par l'action que vous exercez autour de vous, lui donner une
extension et l'appuyer de preuves nouvelles; car une idee n'est a
personne et son application est l'oeuvre de tous.
Je vous remercie des paroles affectueuses et sympathiques que vous
m'adressez personnellement. Mes sentiments n'ont de valeur que parce
qu'ils repondent au sentiment des ames genereuses, et qu'ils le
confirment comme ils sont confirmes par lui.
Agreez, monsieur, pour vous et vos amis, l'expression de mon devouement
fraternel.
GEORGE SAND
Je rouvre ma lettre pour repondre a une question que vous m'adressiez,
et j'y repondrai mal, parce que je suis comme vous dans de grandes
incertitudes en face du fait politique. D'abord, je pense etre d'accord
avec vous sur ce point: l'institution de la presidence est mauvaise et
c'est une sorte de restauration demi-monarchique. Ensuite (le president
accorde), faut-il qu'il soit nomme par le peuple ou par l'Assemblee
nationale? En principe, il doit etre nomme par le peuple, tous
les democrates sont d'accord la-dessus; car le contraire est le
retablissement du suffrage a deux degres.
Mais, en fait, des republicains tres sinceres ont vote pour la
nomination par l'Assemblee, pensant que les besoins de la politique
exigeaient cette infraction au principe. Moi, j'avoue que je deteste ce
qu'on appelle aujourd'hui la politique, c'est-a-dire cet art maladroit,
peu sincere et toujours dejoue dans ses calculs par la fatalite ou la
Providence, de substituer a la logique et a la verite des previsions,
des ressources, des transactions, la raison d'Etat des monarchies, en un
mot. Jamais l'instinct du peuple ne ratifiera les actes de la politique
proprement dite, parce que l'instinct populaire est grand quand Dieu
souffle sur lui, tandis que l'esprit de Dieu est toujours absent de ces
conciliabules d'individus ou l'on fabrique avec de grands moyens de si
petits expedients.
Pourtant, le peuple va se tromper et manquer de lumiere et d'inspiration
dans le choix de son president. Du moins, on le prevoit et on craint
l'election du pretendant. Qu'y faire? En lui laissant son droit, on lui
laisse au moins l'intelligence et la foi du principe, et il vaut mieux
qu'il en fasse, au debut, un mauvais usage que s'il perdait la notion de
son droit et de son devoir en secondant avec prudence et habilete les
exigences de la politique.
S'il fait un mauvais choix, il pourra
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