Dieu est quelquefois si malin!
Mais que M.-Ledru-Rollin s'en defende, je le veux de tout mon coeur, et
je l'y aiderai tant qu'il voudra. Je l'eusse fait plus tot s'il ne m'eut
dit que cela n'en valait pas la peine. Pourtant, puisque l'accusation de
ce fait prend place dans les choses officielles, hatons-nous de dire la
verite. Ce que je n'accepte pas, c'est que M. Elias Regnault, ou quelque
autre (je ne sais pas qui), _arrange_ la verite a sa maniere.
Je t'envoie une lettre que j'ai recue le 8 ou le 10 juin d'un Anglais
qui n'est pas precisement de mes amis, mais qui m'est sympathique.
Remets-la a Louis Blanc, et qu'il juge si elle peut lui etre utile. S'il
veut des details sur le caractere et la position de M. Milnes, M. de
Lamennais lui en donnera d'excellents, et, s'il y avait lieu a l'appel
en temoignage, je suis sure qu'il le ferait de bon coeur. C'est un homme
de verite et de sincerite, quoique un peu sceptique. Au reste, sa lettre
le peint tout entier.
Bonsoir, ami et frere. Toujours a toi.
GEORGE SAND.
CCLXXXVI
A M. EDMOND PLAUCHUT, A ANGOULEME
Nohant, 24 septembre 1848
Monsieur,
Je viens bien tard repondre a une lettre que vous m'avez ecrite le 19
juillet dernier. Vous me l'aviez adressee a Paris, et, par un concours
de circonstances trop long a vous expliquer ici, je ne l'ai recue que
depuis peu de jours avec un paquet d'autres lettres.
Vous me demandez si le socialisme combattait en juin a Paris. Je le
crois, bien qu'aucun de mes amis, parmi les ouvriers, n'ait cru devoir
prendre part a cette lutte effroyable. J'etais deja ici a cette
epoque et je n'ai rien vu par moi-meme: je ne puis donc juger que par
induction. Je crois que le socialisme a du combattre dans toutes ses
nuances, parce qu'il y a de tout dans ce grand peuple de Paris, et meme
des combinaisons d'idees et de doctrines que nous ne connaissons pas.
Mais je ne crois pas que le socialisme ait suscite le mouvement ni qu'il
l'ait dirige. Je doute qu'il l'eut domine et regle si les insurges
eussent triomphe. Il y a eu, je crois, toute sorte de desespoirs dans
cette melee, et, par consequent, toute sorte de fantaisies; car le
desespoir en a, vous le savez, comme les maladies extremes. L'election
de Louis Bonaparte a cote de celle de Raspail, doit nous expliquer un
peu aujourd'hui la confusion de l'evenement de juin.
En somme, il y a un grand fait qui domine tout, et je vous l'explique
asse
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