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de Fevrier. Voyez quelle difference! Dans tout le courant de mars, je pouvais aller et venir seule dans tout Paris, a toutes les heures, et je n'ai jamais rencontre un ouvrier, un _voyou_ qui, non seulement ne m'ait fait place sur le trottoir, mais qui encore ne l'ait fait d'un air affable et bienveillant. Le 17 mai, j'osais a peine sortir en plein jour avec mes amis: l'_ordre_ regnait! Mais c'est bien assez vous parler de moi. Je n'ose pourtant pas vous parler de vous: vous comprenez pourquoi. Mais, si vous pouvez lire des journaux, et si la _Vraie Republique_ du 9 juin vous est arrivee, vous aurez vu que je vous ecrivais en quelque sorte avant d'avoir recu votre lettre. Ne faites attention dans cet article qu'au dernier paragraphe. Le reste est pour cet etre a toutes facettes qu'on appelle le public, la fin etait pour vous. Ah! mon ami, que votre foi est belle et grande! Du fond de votre prison, vous ne pensez qu'a sauver ceux qui paraissent compromis, et a consoler ceux qui s'affligent. Vous essayez de me donner du courage, au rebours de la situation normale qui me commande de vous en donner. Mon Dieu, je sais que vous n'en avez pas besoin, vous n'en avez que trop. Moi, je n'en ai pas pour les autres. Leurs malheurs me brisent, et le votre m'a jetee dans un grand abattement; j'ai peur de l'avenir, j'envie ceux qui n'ont peur que pour eux-memes et qui se preoccupent de ce qu'ils deviendront. Il me semble que le fardeau de leur angoisse est bien leger, au prix de celui qui pese sur mon ame. Je souffre pour tous les etres qui souffrent, qui font le mal ou le laissent faire sans le comprendre; pour ce peuple qui est si malheureux et qui tend toujours le dos aux coups et les bras a la chaine. Depuis ces paysans polonais qui veulent etre Russes, jusqu'a ces lazzaroni qui egorgent les republicains; depuis ce peuple intelligent de Paris, qui se laisse tromper comme un niais, jusqu'a ces paysans des provinces qui tueraient les _communistes_ a coups de fourche, je ne vois qu'ignorance et faiblesse morale en majorite sur la face du globe. La lutte est bien engagee, je le sais. Nous y perirons, c'est ce qui me console. Apres nous, le progres continuera. Je ne doute ni de Dieu ni des hommes; mais il m'est impossible de ne pas trouver amer ce fleuve de douleurs qui nous entraine, et ou, tout en nageant, nous avalons beaucoup de fiel. Adieu, cher ami et frere. Borie vous aime, allez! et Maurice aussi! Ils sont ici pres de m
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