es paroles, l'accent fievreux qui les encolerait,
le sculpteur ne retrouvait plus son Freydet si doux, si poli, epanoui de
vivre. L'oeil distrait, le pli soucieux du front, la brulure de sa
poignee de mains attestaient la passion, l'idee fixe; pourtant la
rencontre de Vedrine semblait l'avoir un peu detendu, et, tendrement, il
l'interrogeait: "Que fais-tu?... que deviens-tu?... ta femme?... tes
enfants?..." L'ami repondait avec son tranquille sourire. Grace a Dieu,
toute la smala etait bien. On allait sevrer la petite. Le garcon
continuait a remplir sa fonction d'etre beau, a guetter avec inquietude
le centenaire du vieux Rehu. Quant a lui, il travaillait. Deux tableaux
au salon, cette annee, pas mal places, pas mal vendus. En revanche, un
creancier aussi imprudent que feroce avait saisi le paladin qui, d'etape
en etape, encombrant d'abord un superbe rez-de-chaussee de la rue de
Rome, demenage ensuite dans une ecurie des Batignolles, se morfondait
maintenant sous le hangar d'un nourrisseur a Levallois, ou, de temps en
temps, on allait le visiter en famille.
"Voila la gloire!" ajoutait Vedrine en riant, pendant que la voix de
l'huissier reclamait le temoin Astier-Rehu. La silhouette du secretaire
perpetuel se decoupa une minute sur la lumiere poudreuse du tribunal,
tres droite, tres ferme, mais son dos qu'il ne surveillait pas, ses
larges epaules frissonnantes trahissaient une vive emotion. "Pauvre
Crocodilus! murmura le sculpteur, il passe par de rudes epreuves...
Cette histoire d'autographes, le mariage de son fils...
--Paul Astier est marie?
--Depuis trois jours, avec la duchesse... Une espece de mariage
morganatique sans autre assistance que la maman du jeune homme et les
quatre temoins... J'en etais, comme tu penses, puisqu'une fatalite
singuliere m'associe a tous les faits et gestes de cette famille
Astier."
Et Vedrine disait son saisissement en voyant paraitre, dans cette salle
de mairie, la duchesse Padovani, pale comme une morte, encore fiere,
mais navree, desenchantee, sous une toison de cheveux gris, ses pauvres
beaux cheveux qu'elle ne prenait plus la peine de teindre. A cote
d'elle, Paul Astier, monsieur le comte, souriant et froid, toujours
joli... On se regarde, personne ne trouve un mot, excepte l'employe
qui, apres avoir devisage les deux vieilles dames, eprouve le besoin de
dire en s'inclinant, la mine gracieuse:
"Nous n'attendons plus que la mariee...
--Elle est la, la mariee," repond la d
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