--La duchesse Padovani.
--Tu es fou! ".. Mais elle a vingt-cinq ans de plus que toi, la duchesse
... et puis... et puis..." Il hesitait, cherchait une formule
respectueuse, et enfin, brutalement: "On n'epouse pas une femme qui, au
vu et au su de tous, vient d'appartenir pendant des annees a un autre
homme!
--Ce qui ne nous a jamais genes, du reste, pour diner regulierement chez
elle et lui avoir une foule d'obligations..." siffla Mme Astier, sa
petite tete dressee pour l'attaque. Sans lui repondre ni meme la
regarder, comme ne la jugeant pas competente en ces choses de
l'honneur, le bonhomme joignit son fils, et d'un accent convaincu, les
larges meplats de ses joues remues par l'emotion: "Ne fais pas cela,
Paul... pour le nom que tu portes, ne fais pas cela, mon enfant; je
t'en prie!" Il l'empoignait par l'epaule, le secouait d'un geste
attendri, a la vibration de ses paroles. Mais le jeune homme se
degageait, n'aimant pas ces demonstrations, se defendait de phrases
vagues: "Je ne trouve pas... ce n'est pas mon sentiment..." Et devant
la fermeture de ce visage au fuyant regard, ce fils qu'il sentait si
loin de lui, le pere, instinctivement, elevait la voix, invoquant son
droit de chef de famille. Un sourire qu'il surprit entre Paul et sa
mere, preuve nouvelle de leur connivence en cette ignominie, acheva de
l'exasperer. Il tonna, delira, menacant de protester publiquement,
d'ecrire aux journaux, de les fletrir tous deux, la mere et le fils,
dans son histoire. C'etait sa menace terrible entre toutes! Quand il
disait d'un personnage du passe: "Je l'ai fletri dans mon histoare..."
nul chatiment ne lui semblait comparable. Pourtant, les deux allies ne
s'en, emouvaient guere. Mme Astier, faite a cette menace de fletrissure
presque autant qu'au charriement de la malle par les couloirs, se
contenta de dire en boutonnant ses gants: "Vous savez qu'on entend tout
d'a cote." Malgre la porte et les tentures, la rumeur d'une causerie se
distinguait, venue du salon.
Alors, comprimant et ralant sa colere: "Ecoute-moi bien, Paul," dit
Leonard Astier, l'index leve dans la figure du garcon, "si cette chose
dont tu parles s'accomplit, ne compte pas me revoir jamais... Je ne
serai pas la le jour de ton mariage... Je ne veux pas de toi, meme a
mon lit de mort... Tu n'es plus mon fils... Je te chasse et je te
maudis." Paul repondit, tres calme, avec une retraite de corps devant le
doigt qui le frolait: "Oh vous savez, mon cher pere.
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