folle, enfoncer d'un coup de
pied la porte du prince, sauter dessus, s'expliquer brutalement avec ce
miserable qui lui enlevait la fortune des mains. Tout a coup il se vit
nu, trouva sa colere inopportune et rentra s'habiller, se calmer un peu,
comprenant qu'il devait avant tout causer avec sa mere, savoir
exactement ou en etaient les choses.
Par exception, sa boutonniere resta vide, ce soir-la, et pendant que des
yeux de femmes, au mouvement desoeuvre des voitures en file, cherchaient
le joli jeune homme dans l'allee habituelle, il roulait vivement vers la
rue de Beaune. Corentine le recut, les bras nus, en souillon, profitant
de l'absence de madame pour faire un grand savonnage.
"Ou dine ma mere, savez-vous?" Non. Madame ne lui avait rien dit; mais
monsieur etait la-haut a fourrager dans ses papiers. Le petit escalier
des archives criait sous le pas lourd de Leonard Astier:
"C'est toi, Paul?"
Le demi-jour du couloir, le trouble ou il etait lui-meme empecherent le
garcon de remarquer l'extraordinaire aspect de son pere et l'egarement
de sa voix pour repondre au: "Comment va le maitre?... Maman n'est pas
la?...--Non, elle dine chez Mme Ancelin qui l'emmene aux Francais...
Dans la soiree, j'irai les rejoindre."
Ensuite le pere et le fils n'eurent plus rien a se dire; deux etrangers
en presence, des etrangers de race ennemie. Aujourd'hui, pourtant, Paul
Astier dans son impatience aurait bien demande a Leonard s'il savait
quelque chose de ce mariage, mais tout de suite: "Il est trop bete,
m'man n'a jamais du en parler devant lui." Le pere, lui aussi, angoisse
d'une question qu'il voulait faire, le rappela d'un air gene:
"Ecoute donc, Paul... figure-toi qu'il me manque... Je suis en train
de chercher...
--De chercher?..."
Astier-Rehu hesita une seconde, regardant de tout pres la charmante
figure dont l'expression n'etait jamais parfaitement franche a cause de
la deviation du nez, puis l'accent bourru et triste:
"Non, rien... c'est inutile... tu peux t'en aller."
Il restait a Paul Astier de rejoindre sa mere au theatre, dans la loge
Ancelin. C'etait deux ou trois heures a tuer. Il renvoya sa voiture en
recommandant a Stenne de venir l'habiller au cercle, puis se mit en
route a tout petits pas, dans un delicat Paris crepusculaire ou les
arbustes en boule du parterre des Tuileries s'allumaient de couleurs
vives a mesure que le ciel s'assombrissait. Une incertitude delicieuse
pour les reveurs et les combi
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