es, pour les voir courir
a quatre pattes..." Mais Freydet n'entendait pas cette nouvelle
impertinence de son compromettant compagnon. Il s'esquivait, se melait
au cortege et penetrait dans l'eglise entre deux files de soldats le
fusil renverse. Au fond, la mort de Loisillon lui causait une joie vive;
il ne l'avait jamais vu ni connu, ne pouvait l'aimer a travers son
oeuvre, cette oeuvre n'existant pas, et la seule reconnaissance qu'il
lui garderait, c'etait justement cette mort, ce fauteuil vacant a point
pour sa candidature. Malgre tout, l'appareil funebre dont les vieux
parisiens se blasent par l'habitude, cette haie de soldats, le sac au
dos, les fusils tombant sur les dalles d'un seul coup de crosse au
commandement d'un sacre petit officier, tres jeune, pas commode, la
jugulaire au menton, dont cet enterrement devait etre la premiere
affaire, surtout la musique noire, les tambours voiles le saisirent d'un
grand respect emu; et, comme toujours quand un sentiment vif le
poignait, des rimes se presenterent. Meme cela commencait tres bien, une
large et belle image sur l'espece de trouble, d'angoisse nerveuse,
d'eclipse intellectuelle que fait dans l'atmosphere d'un pays la
disparition d'un de ses grands hommes. Mais il s'interrompit pour offrir
une place a Danjou qui, venu tres en retard, s'avancait au milieu de
chuchotements, de regards feminins, promenant sa tete orgueilleuse et
dure avec ce geste habituel qu'il a de passer la main a plat dessus,
sans doute pour s'assurer que son postiche est toujours en place.
"Il ne m'a pas reconnu..." pensa Freydet, vexe de l'ecrasant regard
dont l'academicien repoussa dans le rang ce ciron qui se permettait de
lui faire signe, "mes favoris, probablement..." et distrait de ses
vers, le candidat se mit a ruminer son plan d'attaque, ses visites, la
lettre officielle pour le secretaire perpetuel. Mais, au fait, il etait
mort, le perpetuel... Allait-on nommer Astier-Rehu avant les vacances?
Et l'election, pour quand? Sa preoccupation descendit jusqu'aux details,
a l'habit; prendrait-il le tailleur d'Astier decidement? Et ce tailleur
fournissait-il aussi le chapeau et l'epee?
"_Pie Jesu, Domine_..." une voix de theatre, admirable, montait
derriere l'autel, demandait le repos pour Loisillon que le Dieu de
misericorde semblait vouloir torturer cruellement; car l'eglise
suppliait dans tous les tons, tous les registres, en soli et en choeur:
"le repos, le repos, mon Dieu!... Qu'il dorme
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