ainement de se frayer un passage, quand une main lui frappa l'epaule:
"Encore a Paris?... La pauvre soeur ne doit pas etre contente..." En
meme temps Vedrine l'entrainait, et, ramant de ses coudes robustes,
coupant le flot qu'il dominait de toute la tete: "La famille,
messieurs!..." il amenait jusqu'aux premiers rangs le provincial
enchante de la rencontre, un peu confus tout de meme, car le sculpteur
parlait haut et librement, a son habitude. "Hein! ce veinard de
Loisillon... autant de monde que Beranger... voila qui doit donner du
coeur au ventre a la jeunesse..." Tout a coup, voyant Freydet se
decouvrir a l'apparition du cortege: "Qu'as-tu donc de change?
Tourne-toi... Mais, malheureux, tu ressembles a Louis-Philippe..." La
moustache abattue, coiffe en toupet, sa bonne figure rougeaude et brune
epanouie entre des favoris grisonnants, le poete redressait toute sa
petite personne avec une raideur ceremonieuse. Et Vedrine riant: "Ah! je
comprends... la tete pour les ducs, pour Chantilly!... Ca te tient
toujours, alors, l'Academie?... Mais regarde donc cette mascarade!..."
Sous le soleil, dans le large espace reserve, l'effet etait abominable:
derriere le corbillard, des membres du bureau, qu'une feroce gageure
semblait avoir choisis parmi les plus ridicules vieillards de l'Institut
et qu'enlaidissait encore le costume dessine par David, l'habit a
broderies vertes, le chapeau a la francaise, l'epee de gala battant des
jambes difformes que David n'avait certainement pas prevues. Gazan
venait le premier, le chapeau de travers sur les inegalites de son
crane, le vert vegetal de l'habit accentuant encore la graisse terreuse,
squameuse de son masque proboscidien. Pres de lui le sinistre, long,
Laniboire, ses marbrures violettes, sa bouche tordue de guignol
hemiplegique, cachait ses palmes sous un pardessus trop court laissant
voir un bout d'epee, les basques du frac qui, avec les pointes de son
chapeau, lui donnaient l'air d'un employe des pompes funebres, bien
moins distingue certainement que l'appariteur a canne d'ebene en marche
devant le bureau. D'autres suivaient, Astier-Rehu, Desminieres, tous
genes, honteux, ayant conscience et s'excusant par leur humble
contenance du grotesque de ces defroques acceptables sous la lumiere
haute, refroidie et, pour ainsi dire, historique de la coupole, mais en
pleine vie, en pleine rue, faisant sourire comme une exhibition de
macaques.
"Vrai! c'est a leur jeter une poignee de noisett
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