ux a Clos-Jallanges pendant les vacances
de la Mazarine ou il est bibliothecaire. On lui donnera la grande
chambre en retour devant la Faisanderie. Je ne le crois pas tres bon, ce
Lavaux, mais il faut l'avoir, c'est le zebre de la duchesse. T'ai-je dit
que nos mondaines appellent ainsi l'ami garcon, oisif, discret, rapide,
qu'on a toujours sous la main pour les courses, les demarches delicates
dont on ne peut charger un domestique? Sorte de courrier entre
puissances, le zebre, quand il est jeune, fait quelquefois de doux
interim; mais d'ordinaire l'animal se montre sobre, facile a nourrir, se
paye de menus suffrages, des places en bout de table et de l'honneur de
piaffer pour la dame et pour son salon. J'imagine que Lavaux a su tirer
autre chose de son emploi. Il est si adroit, si redoute malgre son air
bonasse; marmiton chef dans deux cuisines, comme il dit, l'academique et
la diplomatique, il me signale les fondrieres, chausse-trapes dont le
chemin de l'Institut est mine et que mon maitre Astier ignore encore.
Pauvre grand naif qui a fait l'ascension droit devant lui, sans se
douter des dangers, les yeux vers la coupole, se fiant a sa force, a son
oeuvre, et qui se serait cent fois rompu le cou si sa femme, fine entre
les fines, ne l'avait guide a son insu.
C'est Lavaux qui m'a detourne de publier, d'ici la prochaine vacance de
fauteuil, mes _Pensees d'un rustique_. "Non, non, m'a-t-il dit... vous
avez assez fait... si meme vous pouviez donner a entendre que vous ne
produirez plus, que vous etes fini, a bout, simple homme du monde...
l'Academie adore cela." A joindre au precieux avertissement de Picheral:
"Ne leur portez pas vos livres." Je vois que moins on a d'oeuvres, plus
on a de titres. Tres influent, le Picheral; encore un que nous aurons
cet ete, une chambre au second, peut-etre l'ancien serre-tout, tu
verras. Voila bien du tracas, ma pauvre Germaine, et dans ton etat de
souffrance. Mais, que veux-tu? C'est deja si facheux de ne pas avoir
maison a Paris pendant l'hiver, de ne pas recevoir comme Dalzon, Moser
et tous mes autres concurrents. Ah! soigne-toi, gueris-toi, mon Dieu...
Pour revenir a mon diner, on y a naturellement beaucoup parle de
l'Academie, de ses choix, de ses devoirs, du bien et du mal que le
public en pense. Selon nos Immortels, tous les detracteurs de
l'institution, tous, sont de pauvres heres qui n'ont pu y entrer; quant
aux oublis en apparence inexplicables, chacun eut sa raison d'etre. Et
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