xistence depuis que je prepare ma candidature. Je vais aux
"Jours" des uns, des autres, diners, soirees. Ne me donne-t-on pas pour
zebre a la bonne Mme Ancelin, parce que je frequente assidument dans son
salon le vendredi, et le mardi soir aux Francais, dans sa loge. Zebre
bien rustique en tout cas, malgre les modifications que j'ai fait subir
a mon personnage dans le sens doctrinaire et mondain. Attends-toi a des
surprises pour mon retour. Lundi dernier, reception intime a l'hotel
Padovani ou j'ai eu l'honneur d'etre presente au grand-duc Leopold. Son
Altesse m'a complimente sur mon dernier livre, sur tous mes livres,
qu'elle connait comme moi-meme. Ces etrangers sont extraordinaires! Mais
c'est avec les Astier que je me plais le mieux, dans cette patriarcale
famille, si unie, si simple. L'autre jour, apres dejeuner, on apporte au
maitre un habit neuf d'academicien, nous l'avons essaye ensemble; je dis
nous, car il a voulu voir sur moi l'effet des palmes. J'ai mis l'habit,
le chapeau, l'epee, une vraie epee, ma chere, qui se tire, montrant une
rigole au milieu pour l'ecoulement du sang; et, ma foi, je
m'impressionnais moi-meme. Enfin, c'est pour te montrer le degre de
cette intimite precieuse.
Puis, quand je rentre au calme de ma petite cellule, s'il est trop tard
pour t'ecrire, je fais toujours un peu de pointage. Sur la liste
complete des academiciens, je marque ceux que je sais a moi, ceux qui
tiennent pour Dalzon. Je soustrais, j'additionne, c'est un
divertissement exquis. Tu verras, je te montrerai. Ainsi que je te
disais, Dalzon a les ducs; mais l'auteur de la _Maison d'Orleans_, admis
a Chantilly, doit m'y presenter avant peu. Si je plais,--j'apprends par
coeur dans ce but une certaine bataille de Rocroy, tu vois que ton frere
acquiert de l'astuce,--donc si je plais, l'auteur de _Toute Nue, a
Eropolis_, perd son plus sur appui. Quant a mes opinions, je ne les
renie pas. Republicain, oui; mais on va trop loin. Et puis, candidat
avant tout. Sitot apres ce petit voyage, je compte bien retourner pres
de ma Germaine que je supplie de ne pas s'enerver, de songer a la joie
du grand jour. Va, ma chere soeur, nous y entrerons dans le "jardin de
l'oie," comme dit ce bohemien de Vedrino, mais il faut du courage et de
la patience.
Ton frere qui t'aime,
ABEL DE FREYDET.
Je rouvre ma lettre: les journaux du matin m'apprennent la mort de
Loisillon. Ces coups du destin vous emeuvent, meme quand ils sont
attendus et pre
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