lunch servi pres du divan, lui suggera que c'etaient de
singuliers apprets de suicide. Elle sourit sans la moindre rancune...
"Ah! le joli monstre!..." et se contenta de lui dire en montrant du bout
de son ombrelle le drageoir rempli de fondants:
"Pour te faire sauter la... le... comment dis-tu ca?"
Lui aussi se mit a rire:
"Oh! tout est change depuis hier... Mon affaire, tu sais, la grosse
affaire dont je t'ai parle... Eh bien! cette fois, je crois que ca va y
etre...
--Tiens! c'est comme la mienne...
--Ah! oui, Samy... le mariage..."
Leurs jolis yeux faux, d'un gris dur et semblable, un peu deteint chez
la mere, se croisaient, se fouillaient un moment. "Tu vas voir que nous
serons trop riches..." dit-il enfin, et la poussant doucement dehors:
"Sauve-toi... sauve-toi."
* * * * *
Le matin, un billet de la princesse avait averti Paul qu'elle viendrait
le prendre chez lui, pour aller la-bas. La-bas, c'est-a-dire au
Pere-Lachaise. Depuis quelque temps "Herbert repiquait", comme disait
Mme Astier. Deux fois par semaine, la veuve portait des fleurs au
cimetiere, les flambeaux, les prie-Dieu pour la chapelle, activait et
surveillait les ouvriers; une vraie recrudescence de ferveur conjugale.
C'est qu'apres un long et penible debat entre sa vanite et son amour, la
tentation de rester princesse et le charme fascinant de ce delicieux
Paul Astier,--debat d'autant plus cruel qu'elle ne le confiait a
personne qu'au pauvre Herbert, tous les soirs, dans son journal,--tout a
coup la nomination de Samy avait emporte sa resolution; et il lui
paraissait convenable, avant de prendre un nouveau mari, d'enterrer le
premier definitivement, d'en finir avec ce mausolee et l'intimite
dangereuse du trop seduisant architecte.
Paul Astier s'amusait sans les comprendre des trepidations de cette
petite ame affolee, y voyait un symptome excellent, la crise supreme des
grandes decisions, seulement trop longue, et il etait presse. Il fallait
brusquer le denouement, profiter de cette visite de Colette longtemps
attendue, longtemps remise, comme si, malgre sa curiosite de connaitre
l'installation du jeune homme, la princesse avait eu peur d'un
tete-a-tete, plus complet la que dans son propre hotel ou dans son
coupe, sous la surveillance de la livree toujours presente. Non qu'il
eut montre trop de hardiesse; froleur, enveloppant, c'est tout ce qu'on
pouvait dire. Mais elle se redoutait elle-meme, donnant
|