ance qui mettra bon ordre a cela. Mais, avant
tout, il faut manger des choses fortifiantes, prendre du jus de
viande, ne pas boire d'eau, mais de la biere. Je vais vous indiquer
une marque excellente. Ne vous fatiguez pas a veiller, mais marchez
le plus que vous pourrez. Dormez beaucoup et engraissez un peu. C'est
tout ce que je peux vous conseiller, madame et belle cliente.
Elle l'avait ecoute avec un interet ardent, cherchant a deviner tous
les sous-entendus.
Elle saisit le dernier mot.
--Oui, j'ai maigri. J'etais un peu trop forte a un moment, et je me
suis peut-etre affaiblie en me mettant a la diete.
--Sans aucun doute. Il n'y a pas de mal a rester maigre quand on l'a
toujours ete, mais quand on maigrit par principe, c'est toujours aux
depens de quelque chose. Cela, heureusement, se repare vite. Adieu,
madame.
Elle se sentait mieux deja, plus alerte; et elle voulut qu'on allat
chercher pour le dejeuner la biere qu'il avait indiquee, a la maison
de vente principale, afin de l'avoir plus fraiche.
Elle sortait de table quand Bertin fut introduit.
--C'est encore moi, dit-il, toujours moi. Je viens vous interroger.
Faites-vous quelque chose, tantot?
--Non, rien; pourquoi?
--Et Annette?
--Rien non plus.
--Alors, pouvez-vous venir chez moi vers quatre heures?
--Oui; mais a quel propos?
--J'esquisse ma figure de la Reverie, dont je vous ai parle en vous
demandant si votre fille pourrait me donner quelques instants de pose.
Cela me rendrait un grand service si je l'avais seulement une heure
aujourd'hui. Voulez-vous?
La comtesse hesitait, ennuyee sans savoir de quoi. Elle repondit
cependant:
--C'est entendu, mon ami, nous serons chez vous a quatre heures.
--Merci. Vous etes la complaisance meme.
Et il s'en alla preparer sa toile et etudier son sujet pour ne point
trop fatiguer le modele.
Alors la comtesse sortit seule, a pied, afin de completer ses achats.
Elle descendit aux grandes rues centrales, puis remonta le boulevard
Malesherbes a pas lents, car elle se sentait les jambes rompues. Comme
elle passait devant Saint-Augustin, une envie la saisit d'entrer dans
cette eglise et de s'y reposer. Elle poussa la porte capitonnee,
soupira d'aise en goutant l'air frais de la vaste nef, prit une
chaise, et s'assit.
Elle etait religieuse comme le sont beaucoup de Parisiennes. Elle
croyait a Dieu sans aucun doute, ne pouvant admettre l'existence de
l'Univers, sans l'existence d'un createu
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