tressaillit d'une de
ces secousses qui jettent un homme hors de lui, et il murmura, en se
tournant vers la comtesse:
--Dieu, qu'elle est belle!
Mais il demeura stupefait devant le visage livide et convulse de Mme
de Guilleroy.
De ses yeux larges, pleins d'une sorte de terreur, elle les
contemplait, sa fille et lui. Il s'approcha, saisi d'inquietude, en
demandant:
--Qu'avez-vous?
--Je veux vous parler.
S'etant levee, elle dit, a Annette rapidement:
--Attends une minute, mon enfant, j'ai un mot a dire a M. Bertin.
Puis elle passa vite dans le petit salon voisin ou il faisait souvent
attendre ses visiteurs. Il la suivit, la tete brouillee, ne comprenant
pas. Des qu'ils furent seuls, elle lui saisit les deux mains et
balbutia:
--Olivier, Olivier, je vous en prie, ne la faites plus poser!
Il murmura, trouble:
--Mais pourquoi?
Elle repondit d'une voix precipitee:
--Pourquoi? pourquoi? Il le demande? Vous ne le sentez donc pas, vous,
pourquoi? Oh! j'aurais du le deviner plus tot, moi, mais je viens
seulement de le decouvrir tout a l'heure... Je ne peux rien vous dire
maintenant... rien... Allez chercher ma fille. Racontez-lui que je me
trouve souffrante, faites avancer un fiacre, et venez prendre de mes
nouvelles dans une heure. Je vous recevrai seul!
--Mais enfin, qu'avez-vous?
Elle semblait prete a se rouler dans une crise de nerfs.
--Laissez-moi. Je ne peux pas parler ici. Allez chercher ma fille et
faites venir un fiacre.
Il dut obeir et rentra dans l'atelier. Annette, sans soupcons, s'etait
remise a lire, ayant le coeur inonde de tristesse par l'histoire
poetique et lamentable. Olivier lui dit:
--Ta mere est indisposee. Elle a failli se trouver mal en entrant dans
le petit salon. Va la rejoindre. J'apporte de l'ether.
Il sortit, courut prendre un flacon dans sa chambre, et puis revint.
Il les trouva pleurant dans les bras l'une de l'autre. Annette,
attendrie par les _Pauvres Gens_, laissait couler son emotion, et la
comtesse se soulageait un peu en confondant sa peine avec ce doux
chagrin, en melant ses larmes avec celles de sa fille.
Il attendit quelque temps, n'osant parler et les regardant, oppresse
lui-meme d'une incomprehensible melancolie.
Il dit enfin:
--Eh bien. Allez-vous mieux?
La comtesse repondit:
--Oui, un peu, ce ne sera rien. Vous avez demande une voiture?
--Oui, vous l'aurez tout a l'heure.
--Merci, mon ami, ce n'est rien. J'ai eu trop de cha
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