outes les capitales, au milieu de
l'extase des femmes qui, le sachant d'avance irresistible, avaient des
battements de coeur en le voyant entrer en scene. Il semblait peu
se soucier d'ailleurs, disait-on, de ce delire sentimental, et se
contentait de triomphes musicaux. Musadieu racontait, a mots tres
couverts a cause d'Annette, l'existence de ce beau chanteur, et la
duchesse, emballee, comprenait et approuvait toutes les folies qu'il
avait pu faire naitre, tant elle le trouvait seduisant, elegant,
distingue et musicien exceptionnel. Et elle concluait, en riant:
--D'ailleurs, comment resister a cette voix-la!
Olivier se facha et fut amer. Il ne comprenait pas, vraiment, qu'on
eut du gout pour un cabotin, pour cette perpetuelle representation de
types humains qui n'est jamais, pour cette illusoire personnification
des hommes reves, pour ce mannequin nocturne et farde qui joue tous
les roles a tant par soir.
--Vous etes jaloux d'eux, dit la duchesse. Vous autres, hommes du
monde et artistes, vous en voulez tous aux acteurs, parce qu'ils ont
plus de succes que vous.
Puis se tournant vers Annette:
--Voyons, petite, toi qui entres dans la vie et qui regardes avec des
yeux sains, comment le trouves-tu, ce tenor?
Annette repondit d'un air convaincu:
--Mais je le trouve tres bien, moi.
On frappait, les trois coups pour le second acte, et le rideau se leva
sur la Kermesse.
Le passage de Helsson fut superbe. Elle aussi semblait avoir plus de
voix qu'autrefois et la manier avec une surete plus complete. Elle
etait vraiment devenue la grande, l'excellente, l'exquise cantatrice
dont la renommee par le monde egalait celles de M. de Bismarck et de
M. de Lesseps.
Quand Faust s'elanca vers elle, quand il lui dit de sa voix
ensorcelante la phrase si pleine de charme:
Ne permettrez-vous pas, ma belle demoiselle,
Qu'on vous offre le bras, pour faire le chemin.
Et lorsque la blonde et si jolie et si emouvante Marguerite lui
repondit:
Non, monsieur, je ne suis demoiselle ni belle,
Et je n'ai pas besoin qu'on me donne la main.
la salle entiere fut soulevee par un immense frisson de plaisir.
Les acclamations, quand le rideau tomba, furent formidables, et
Annette applaudit si longtemps que Bertin eut envie de lui saisir
les mains pour la faire cesser. Son coeur etait tordu par un nouveau
tourment. Il ne parla point, pendant l'entr'acte, car il poursuivait
dans les coulisses, de
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