Nohant, 24 avril 1864.
Une absence de quelques jours m'a empechee, monsieur, de repondre a
votre excellente lettre et de vous dire toute ma gratitude pour les
details que vous me donnez.
Vous adoucissez autant que possible la douleur de l'evenement[1], en me
disant que notre ami n'a pas eu a lutter contre la crise finale, et que
les derniers temps de sa vie ont ete heureux. La compensation a ete bien
courte, apres une vie de luttes et de souffrances. Mais je suis de ceux
qui croient que la mort est la recompense d'une bonne vie, et la vie de
ce pauvre ami a ete meritante et genereuse. Les regrets sont pour nous,
et votre coeur les apprecie noblement.
J'ai envoye votre lettre a madame Y..., soeur de Fulbert, et je lui ai
fait le sacrifice, du portrait photographie. S'il vous etait possible de
m'en envoyer un autre exemplaire, je vous en serais doublement obligee.
Madame Y... compte vous ecrire pour vous remercier aussi de l'affection
delicate que vous portiez a son frere et pour vous confier, je pense, la
mission que vous offrez si genereusement de remplir.
_Quant aux details de l'enterrement, j'ignore ce qu'elle en pense_. Je
la connais fort peu; mais je vous remercie, moi, pour mon compte, de la
supreme convenance de votre intervention.
Vous avez fait respecter le voeu qu'il eut exprime, lui, s'il eut pu
vous adresser ses dernieres paroles.
Merci, encore, monsieur, et bien a vous.
G. SAND.
[1] La mort de Fulbert Martin, ancien avoue a la Chatre, exile apres
le coup d'Etat de 1851.
DLV
A M. BERTON PERE, A PARIS
Nohant, 5 mai 1864.
Mon cher et charmant enfant,
Voulez-vous vous charger de negocier avec M. Harmant[1] la reprise de
_Villemer_ pour le 15 septembre prochain? M. de la Rounat m'ecrit
que vous consentez a nous assurer cette reprise, car, sans vous, que
serait-elle? Il n'y aurait pas a y attacher la moindre importance.
Si donc vous ne nous abandonnez pas, et je vous en remercie bien
serieusement, il faut que nous obtenions de M. Harmant qu'il vous laisse
avec nous le plus longtemps possible, a la charge exclusive de l'Odeon,
bien entendu, jusqu'au moment ou il aura _effectivement_ besoin de vous.
Il m'a dit n'avoir besoin de vous en effet que pour jouer la piece que
je compte lui faire et ou vous avez bien voulu accepter le premier role.
Que cette piece soit _Christian Waldo_[2], ou une autre, je me mettrai
a ce travail
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