elle
ne peut pas le tuer. Elle est prise de degout pour lui; ses _retours_ a
elle lui font lever le coeur; elle se refuse. Mais elle n'en a pas le
droit.--Ah! qu'est-ce qu'elle fera? Elle ne peut pas se venger; elle
ne peut pas meme se preserver, car il peut la violer et nul ne s'y
opposera; elle ne peut pas fuir; si elle a des enfants, elle ne peut pas
les abandonner. Plaider? elle ne gagnera pas son proces si l'adultere du
mari n'a pas ete commis a domicile. Elle ne peut pas se tuer si elle a
un coeur de mere? Cherchez une solution; moi, je cherche. Direz-vous
qu'elle doit pardonner? Oui, jusqu'au pardon physique, qui est
l'abjection et qu'une ame fine ne peut accepter qu'avec un atroce
desespoir, une invincible revolte des sens.
DCVI
A M. JOSEPH DESSAUER, A VIENNE
Nohant, 5 juillet 1866.
Mon Favilla a donc pense a moi pour mon anniversaire de la
soixante-deuxieme? J'en suis bien touchee, excellent ami. Vous ne dites
rien de votre sante, votre coeur absorbe tout et il est navre des
dangers de la patrie. Nous comprenons ca, nous qui sommes Italiens, mais
pas Prussiens du tout. Quelle effroyable melee est sortie de ce petit
demele du Holstein, et ou est l'issue? Votre pays, fut-il ecrase,
peut-il etre raye de la carte du monde, ou il tient une si grande place?
Trouvez-vous malheureux pour lui qu'il vienne a perdre la Venetie?
L'Italie n'a-t-elle pas toujours ete une ruine et un danger, un boulet a
son pied, comme maintenant l'Algerie au notre. On ne s'assimile jamais
des nationalites aussi tranchees; on comprend mieux l'assimilation des
pays slaves, quoique difficile encore. Mais que faire a tout cela? Le
moment semble venu ou il faut que les conquetes soient des fleaux. La
France s'en melera-t-elle? pour qui? avec qui? On la voit bien soutenant
l'Italie, on ne la concoit pas aidant la Prusse. Et, ici, nul ne sait si
elle aidera quelqu'un. Le chef de l'Etat est d'autant plus impenetrable
qu'il vit, dit-on, au jour le jour dans sa pensee et qu'on ne peut
deviner des projets qui n'existent pas. Je vous dis ce qu'on dit, je
suis loin de tout ici et ne sais rien par moi-meme. Je vois pousser
ma petite-fille, qui est belle et douce et qui me console autant que
possible de la cruelle mort de son frere. Mes enfants sont aussi heureux
qu'ils peuvent l'etre apres cette douleur, et, moi qui ai perdu mon
pauvre ami, je me reconforte aupres d'eux. Nous _jouissons_ d'un ete
horrible, te
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