mpetes diluviennes, chaleur ecrasante, froid tout a coup.
Pauvres soldats, pauvres blesses, pauvres morts, de toutes les nations,
quels qu'ils soient! c'est un spectacle desesperant, et on n'ose se
rejouir de rien, meme dans le coin tranquille ou on vit. Vous faites de
la musique triste, j'en suis sure, et pleine de reves dechirants. Venez
a nous qui vous aimons et qui plaignons toutes les souffrances. J'ai
entendu massacrer le _Don Juan_ au Theatre-Lyrique, a l'Opera de Paris;
on l'a escamote au profit de quelques brillantes individualites et d'une
belle mise en scene; Tout cela ne valait pas le _Don Juan_ de Chrishni
au piano: celui-la, c'etait le vrai et le bon. L'entendrai-je encore?
c'est mon reve, ne me l'otez pas.
Tout le monde vous embrasse et vous aime.
G. SAND.
DCVII
A MADAME ARNOULD-PLESSY, A PARIS
Nohant, 5 aout 1866.
Ma grande chere fille,
Donnez de vos nouvelles, vous l'aviez promis. Ici, on vous aime et on
vous crie de voler quelques jours a vos chers parents pour nous les
donner. Moi aussi, je suis votre maman; moi aussi, je suis vieille, et
bien maigrie, bien epuisee, sans etre malade pourtant, mais sans etre
bien. Ca ne fait rien si tous mes enfants m'aiment, et il faut m'aimer,
vous voyez.
Si vous vous decidiez a venir benir notre Aurore, qui est si gentille,
ecrivez un mot, pour qu'on ne soit pas en course.
Mes enfants vous embrassent. Dites-nous a tout le moins que vous etes
contente et que vous vous portez bien.
A vous.
G. SAND.
DCVIII
A GUSTAVE FLAUBERT, A CROISSET
Paris, 10 aout 1866.
Embrassez d'abord pour moi votre bonne mere et votre charmante niece. Je
suis vraiment touchee du bon accueil que j'ai recu dans votre milieu
de chanoine, ou un animal errant de mon espece est une anomalie qu'on
pouvait trouver genante. Au lieu de ca, on m'a recue comme si j'etais
de la famille et j'ai vu que ce grand savoir-vivre venait du coeur. Ne
m'oubliez pas aupres des tres aimables amies, j'ai ete vraiment tres
heureuse chez vous.
Et puis, toi, tu es un brave et bon garcon, tout grand homme que tu
es, et je t'aime de tout mon coeur. J'ai la tete pleine de Rouen,
de monuments, de maisons bizarres. Tout cela vu avec vous me frappe
doublement. Mais votre maison, votre jardin, votre _citadelle_, c'est
comme un reve et il me semble que j'y suis encore.
J'ai trouve Paris tout petit hier, en traversan
|