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comme disait le bon Cauvieres[2]. On m'assure pourtant que ceux-ci
dureront, parce qu'ils ont fait leurs preuves ailleurs. Nous verrons
bien.
Parlez-moi de vous, de ma Cocote, que je _bige_ mille fois, et de mon
Cocoton et de Guillery. Dis mes amities a ton pere. Bonjour a Marie.
J'ai vu en esprit la delivrance des lerots[3] et des poissons. Quelle
noce! Ceux-la ne nous regrettent pas, Moi, je cherche un brochet pour
nettoyer le petit _nymphee_, ou les grenouilles frayent un peu trop. Je
me suis payee hier des pots de fleurs. On va me donner deux canards de
Chine pour _mon eau_. Il y a ici, dans le jardin, un criocere enorme
et d'un rouge fonce; c'est un insecte magnifique et tres abondant. Je
l'appelle _criocere_ au hasard.
[1] Les nouveaux balais balayent bien.
[2] Docteur medecin a Marseille.
[3] Genre de petits ecureuils que Maurice Sand avait apprivoises et
qui vivaient en cage dans la salle a manger de Nohant, a cote
d'un aquarium peuple de tanches, de verons et d'epinoches.
DLX
A MADAME LINA SAND, A GUILLERY
Palaiseau, 29 juin 1864.
Chere fille,
Je recois ta lettre du 26, qui renverse mes notions. Ce n'est donc pas
le 27, c'est donc le 26 ton anniversaire? au moins ma lettre et mon
petit cadeau te seront-ils parvenus le 27? Tout ca, c'est egal a
present, car tout a du arriver, et tu sais que je n'ai pas oublie les
vingt-deux ans de ma Cocote, non plus que le 30 juin de Mauricot.
Comment! ce pauvre amour de Cocoton a ete malade a ce point au moment du
depart? J'ai peur qu'a Guillery vous ne vous enrhumiez, parce que vous
etes mal clos dans vos chambres. Je me souviens du vent qui passe sous
la porte et qui, de mon temps deja, soulevait les jupons. Ici, nous
bravons les intemperies dans une maison excellente, epaisse, fermee et
saine au possible. Mais ce mauvais temps est general. Nous avons vu le
soleil deux ou trois fois depuis que je suis a Palaiseau. Toujours
des giboulees, des nuages, ou un joli ciel gris comme en automne; des
soirees si froides, que j'ai remis tous les habits d'hiver. C'est tres
bon pour marcher; tous les soirs apres diner, nous faisons au moins deux
lieues a pied. Le pays est admirable, varie au possible: des prairies
nivelees comme des tapis, des potagers splendides a perte de vue, avec
des arbres fruitiers enormes; puis des collines, meme assez escarpees;
car, hier au soir, nous avons du renoncer a grimper. Des
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