comme
toujours. C'est ma nature de ne pas croire a l'impossible et de ne pas
croire non plus a l'impuissance des, sujets. Du moment qu'on peut les
tourner du cote qu'on veut, c'est une question d'essai et de recherche.
Je crois que, si j'avais pu etre a Paris, savoir tout de suite, et non
au bout de huit jours d'attente inutile, l'impression de La Rounat,
j'aurais ete a vous tout de suite et nous aurions pare le coup. Il est
vrai que j'aurais eu votre opinion avant la sienne; car je vous aurais
montre la chose avant de me la laisser arracher par lui acte par acte.
C'est un impatient aveugle qui, devant une deception, abandonne tout et
ne cherche pas le remede ou vous empeche de le chercher.
Il est, au reste, comme presque tout le monde, en ce monde, et je ne lui
en veux pas pour ca: ce n'est pas l'affaire des directeurs de theatre
d'avoir de la perseverance, de la philosophie et de la presence
d'esprit. Il a laisse passer un temps precieux et il cherche son salut
Dieu sait ou.
Quant a nous autres, il ne nous est ni permis ni possible de nous
decourager, et je _vois_ que vous _voyez_ deja quelque chose a tenter
dans un autre sujet. Moi, je ne vois rien dans les sujets, au premier
apercu.
Dans tout cela, cher fils, je ne pense jamais a la peine prise en pure
perte, et a ce qu'on appelle, le travail perdu. Il n'y a pas de travail
perdu, du moment qu'on a eu le plaisir de travailler. D'ailleurs, ca
apprend, et la vie se passe a apprendre; ceux qui la passent a regretter
ne vivent pas. Je vous benis de prendre interet a ma vie, et aucune
verite ne me degoute du travail. Ce qui degoute ou peut degouter du
_metier_, ce sont les injustices du public ou la mauvaise foi des
critiques; mais ce qui porte sur nous-meme, les erreurs qu'on nous
fait voir, le mal qu'on nous indique a reparer, c'est bien bon et bien
stimulant.
[1] Il s'agissait d'une piece tiree de _la Derniere Alddui_.
DXCVIII
A SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLEON (JEROME), A PARIS
Nohant, 20 janvier 1866.
Cher prince,
Je veux vous donner moi-meme de nos nouvelles. J'ai toujours ete, depuis
dix jours, sage-femme ou nourrice, berceuse ou garde-malade, et je n'ai
pas eu un moment de repos. Ma belle-fille, apres une delivrance prompte
et heureuse, a ete assez serieusement malade a plusieurs reprises.
Elle va mieux sans etre guerie, et, comme cela peut se prolonger et
la fatiguer trop pour nourrir, nous avons donne
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