squ'ici dans ses details. Mais votre conclusion
ne me soumet pas. En croyant a l'immortalite du corps, Jesus et ses
aieux croyaient a celle des ames, par la raison qu'il n'est pas de
corps sans ame. Il etait donc spiritualiste sans etre exclusivement
spiritualiste. Vous, vous etes exclusivement spiritualiste; je ne peux
pas comprendre cette doctrine, par la raison qu'il ne me semble pas
possible _d'affirmer_ des ames sans corps.
Vous avez mille fois raison de placer Dieu et la forme de notre
immortalite dans la region de l'impenetrable. Mais qui dit
_l'immortalite_ dit _la vie_. La vie est une loi que nous connaissons;
elle ne se manifeste pas pour nous dans la separation de l'ame et du
corps, dans la pensee sans organes pour se manifester. Nous ne pouvons
donc pas nous faire la moindre idee d'une vie spirituelle qui soit
purement spirituelle; et je ne peux pas vous dire que je crois a une
chose dont je n'ai pas la moindre idee.
Jesus se trompait sur les conditions de la resurrection, nous n'en
doutons pas; mais il me semble que, quant au principe de la vie, il le
comprenait bien, ou du moins aussi bien qu'il est donne a I'homme de le
comprendre. Que l'ame se revete d'un corps de chair ou de fluide, il ne
lui en faut pas moins quelque chose a animer, ou bien elle n'est plus
une ame, elle n'est rien. Nous savons qu'il y a des planetes legeres,
relativement a nous, comme le liege, comme le bois, etc. Elles n'en sont
pas moins des mondes, et leur existence est tout aussi materielle que la
notre.
Socrate n'est pas si clair qu'il vous parait. Je pense qu'il croyait
bien que son ame revetirait un autre corps; quoiqu'il semble souvent
dire le contraire par la bouche du _divus Plato._ Ailleurs, Platon voit
les ames faire elles-memes leur destinee, courir ou leurs passions les
emportent, et, la, il donne la main a Pythagore. Si les ames ont des
passions bonnes, ou mauvaises, elles sont _organisees_.--Autrement?
Enfin, vous aurez encore beaucoup a nous dire la-dessus; car votre
hypothese laisse une lacune philosophique des plus graves. Pardon de mes
objections, cher monsieur. Vous etes si sympathique et vous paraissez si
bon, qu'on vous doit de dire ce qu'on pense.
G. SAND.
DXCI
A M. LOUIS ULBACH, A PARIS
Palaiseau, 27 juin 1865.
Cher monsieur,
Combien je suis heureuse d'avoir a vous remercier! Quand votre loyale et
forte main signe un brevet de talent, l'apprenti passe
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