etudiants et les jeunes gens de vos quartiers. Quelles
mauvaises circonstances pour etre loin les uns des autres! Reviens donc
dans ton nid, et attends de meilleurs jours pour aller travailler au
Musee; car ce n'est pas dans ce moment-ci que tu pourrais y faire un
travail soutenu et utile. La reponse de ton pere te parviendra aussi
bien ici.
Nous avons eu aujourd'hui nombreuse compagnie. Camus, avec un jeune
homme tres bien de Chateauroux; Fleury, Perigois, Desmousseaux,
Laussedat, Gustave Tourangin, Lumet, et le nez de Germann. Lumet est
un vigneron d'Issoudun aussi grave et absolu que Patureau est malin et
persuasif. Il a une tete magnifique, distinguee; une penetration, une
fermete, une eloquence extraordinaire par moments, et tout cela avec le
langage paysan et des manieres nobles comme ne les ont plus les grands
seigneurs.
Non, les hommes superieurs ne manquent pas dans le peuple; il ne s'agit
plus que de les mettre a leur plan, et cela ne tardera guere.
Bonsoir, cher petit Bouli. Je suis presque guerie. N'en deplaise a ton
ordonnance, plus je reste dans l'eau, mieux je m'en trouve; chacun a son
temperament. Moi, j'ai un peu de celui des poissons ou des grenouilles.
Nous etions dans l'eau l'autre jour pendant l'orage. Il pleuvait a
verse; mais la riviere etait tiede, presque chaude, et c'est bien
decidement un proverbe tres sage, et non un paradoxe, que Gribouille se
jetant dans l'eau de peur de la pluie.
Reviens donc! il fait si bon ici, et tu es si mal la-bas! J'en souffre
dans tes os et je ne jouis de rien sans toi. Potu part decidement jeudi;
sa soeur va mieux, mais sa famille veut absolument voir cette _masse_
de graisse. Je ne pourrai travailler que quand tu seras la. Je n'ai le
coeur a rien sans toi. Je t'embrasse mille fois.
CLXCIX
A JOSEPH MAZZINI, A ROME
Nohant. 23 juin 1849.
Ah! mon ami, mon frere, quels evenements! et comment vous peindre la
profonde anxiete, la profonde admiration et l'indignation amere qui
remplissent nos coeurs? Vous avez sauve l'honneur de notre cause; mais,
helas! le notre est perdu en tant que nation. Nous sommes dans une
angoisse continuelle.
Chaque jour, nous nous attendons a quelque nouveau desastre, et nous ne
savons la verite que bien longtemps apres que les faits sont accomplis.
Aujourd'hui; nous savons que l'attaque est acharnee, que Rome est
admirable, et vous aussi. Mais qu'apprendrons-nous demain Dieu
recompenser
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