i, qu'il
faudrait s'entendre avant d'agir. Je ne sais comment s'effectue le
mouvement des idees en Europe; mais, ici, c'est effrayant comme on
hesite avant de se reunir sous une banniere. Certes, la partie serait
gagnee si tout ce qui est brave, patriotique et indigne voulait marcher
d'accord. C'est la malheureusement qu'est la difficulte, et c'est
parce que les Francais sont travailles par trop d'idees et de systemes
differents que vous voyez cette Republique s'arreter eperdue dans son
mouvement, paralysee et comme etouffee par ses palpitations secretes et
tout a coup si impuissante ou si preoccupee, qu'elle laisse une immonde
camarilla prendre le gouvernail et commettre en son nom des iniquites
impunies. Je crois que vous ne faites pas assez la distinction frappante
qui existe entre les autres nations et nous.
L'idee est une en Italie, en Pologne, en Hongrie, en Allemagne
peut-etre. Il s'agit de conquerir la liberte. Ici, nous revons
davantage, nous revons l'egalite; et, pendant que nous la cherchons, la
liberte nous est volee par des larrons qui sont sans idee aucune et qui
ne se preoccupent que du fait. Nous, nous negligeons trop le fait de
notre cote, et l'idee nous rend betes. Helas! ne vous y trompez pas.
Comme parti republicain, il n'y a plus rien en France qui ne soit mort
ou pres de mourir. Dieu ne veut plus se servir de quelques hommes pour
nous initier, apparemment pour nous punir d'avoir trop exalte le
culte de l'individu. Il veut que tout se fasse par tous, et c'est la
necessite, trop peu prevue peut-etre, de l'institution du suffrage
universel. Vous en avez fait un magnifique essai a Rome; mais je suis
certaine qu'il n'a reussi qu'a cause du danger, a cause de ce fait
necessaire de la liberte a reconquerir. Si, au lieu de suivre la fade et
sotte politique de Lamartine, nous avions jete le gant aux monarchies
absolues, nous aurions la guerre au dehors, l'union au dedans et la
force, par consequent, au dedans et au dehors. Les hommes qui ont
inaugure cette politique, par impuissance et par betise, ont ete pousses
par la ruse de Satan sans le savoir. L'esprit du mal nous conduisait ou
il voulait, le jour ou il nous conseillait la paix a tout prix.
A present, il nous faut attendre que les masses soient initiees. Ce
n'est point _par gout_ que j'ai cette conviction. Mon gout ne serait pas
du tout d'attendre; car ce temps et ces choses me pesent tellement, que
souvent je me demande si je vivrai jusqu'a ce qu'
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