que j'ai a Toulon et qui
m'avait donne avis que vous faisiez voile pour Malte. Je lui ecris de
nouveau, il vous renverra ma lettre. Je vous donnais son nom et son
adresse pour qu'il aidat a notre correspondance. A present, que j'aime
bien mieux vous savoir plus pres de moi! Ce sera, comme je vous
l'ecrivais, a Victor Borie, a la Chatre (Indre), que vous ferez bien
d'adresser vos lettres. La curiosite inquiete de la police pourrait me
priver de l'une d'elles, et cela ne ferait plus mon compte.
Pendant que j'y pense et pour en finir avec ces details, je vous
demandais dans cette lettre envoyee a Toulon, si vous aviez besoin
d'argent; car, en de pareils evenements, on peut se trouver surpris et
empeche d'aller ou l'on veut, faute de cette prevision materielle. Nous
sommes d'ailleurs tous ruines, et nous ne sommes pas de ceux qui out
sujet d'en avoir honte. Je vous demande donc de me traiter comme une
soeur, comme j'en ai le droit, et, quelque peu qui me reste, comptez que
ce peu est a vous.
Mon ami, je vous disais hier soir que vous aviez bien agi et bien pense
devant Dieu et devant les hommes; que vous aviez accompli de grands
devoirs et que vous aviez sujet d'etre calme. Oui, je crois que vous
etes calme comme les anges, et, si vous ne l'etiez pas, vous seriez
ingrat envers Dieu, qui vous a permis d'accomplir une aussi belle
mission. Si vous avez echoue politiquement, c'est que la Providence
voulait s'arreter la, et que ce grand fait doit murir dans la pensee des
hommes avant qu'ils en produisent de nouveaux.
Non, les nationalites ne periront pas! Elles sortiront de leurs ruines,
ayons patience. Ne pleurez pas ceux qui sont morts, ne plaignez pas ceux
qui vont mourir. Ils payent leur dette; ils valent mieux que ceux qui
les egorgent; donc, ils sont plus heureux.
Et, pourtant, malgre soi, on pleure et on plaint. Ah! ce n'est pas sur
les martyrs qu'il faudrait pleurer, c'est sur les bourreaux.
Plaignez ceux qui ne font rien et qui ne peuvent rien; plaignez-moi
d'etre Francaise. C'est une douleur et une honte en ce moment-ci.
Je vis toujours calme et retiree a Nohant, en famille, aimant et
sentant toujours la nature et l'affection. J'ai repris mes _Memoires_,
interrompus par un grand derangement dans ma sante. Grace a Raspail,
j'ai ete mon propre medecin et je me suis guerie. Jamais, depuis dix
ans, je n'avais eu la force et la sante que j'ai enfin depuis deux mois.
Voila ce qui me concerne materiellement; mais
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