e ne vous dis pas d'avoir courage et patience, parce
que je sais que vous en avez pour vous et pour nous. C'est nous qui en
avons besoin pour supporter ce que vous souffrez.
S'il vous etait possible de me dire comment vous etes, je serais bien
heureuse. Mais je ne veux pas que, pour me donner cette joie, vous
risquiez de voir resserrer davantage les liens qui vous pressent et dont
mon coeur saigne.
Je m'imagine, d'ailleurs, que vous pensez souvent a moi comme je pense
a vous, et qu'il n'est pas un instant ou vous doutiez de mon affection.
Comptez-y bien, et que ce soit pour vous un adoucissement a cette vie
de sacrifice qui nous fait tant de mal. Ah! si tous ceux qui vous
cherissent pouvaient donner une partie de leur vie a la captivite, en
echange de votre liberte, on trouverait des siecles de prison pour
contenter nos ennemis.
Sachez bien, du moins, qu'on vous tient compte de ce que vous souffrez,
que les plus tiedes et les plus ignorants l'apprecient, et que les
discussions politiques s'arretent devant votre nom, devenu _sacre_ pour
tous.
Mon fils vous cherit toujours, et tous deux nous vous embrassons de
toute notre ame.
G. S.
CCCVI
A JOSEPH MAZZINI, A...
Nohant, 10 octobre 1849.
Cher excellent ami,
J'ai recu votre premiere lettre, puis la seconde, puis votre _Revue_.
J'avais lu deja votre lettre a MM. de T. et de F., dans nos journaux
francais. C'est un chef-d'oeuvre que cette lettre. C'est une piece
historique qui prendra place dans l'histoire eternelle de Rome et dans
celle des republiques. Elle a fait beaucoup d'impression ici, meme en ce
temps d'epuisement et de folie, meme dans ce pays humilie et avili.
Elle n'a pas recu un dementi dans l'opinion publique; c'est le cri de
l'honneur, du droit, de la verite, qui devrait tuer de honte et de
remords la tourbe jesuitique. Mais je crois que certains fronts ne
peuvent plus rougir; il n'y a point d'espoir qu'ils se convertissent.
Le peuple le sait maintenant et ne parle de rien de moins que les tuer.
L'irritation est grande en France, et de profondes vengeances couvent
dans l'attente d'un jour remunerateur; mais ce n'est pas l'ensemble de
la nation qui sent vivement ces choses. La grande majorite des Francais
est surtout malade d'ignorance et d'incertitude. Ah! mon ami, je crois
que nous tournons, vous et moi, dans un cercle vicieux, quand nous
disons, vous, qu'il faut commencer par agir pour s'entendre; mo
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