es _comme vous_; s'il pouvait avoir la certitude de ne pas
fermer l'avenir a son idee, en l'accommodant aux necessites du present;
si chacun de ses pas prudents et patients vers cet avenir n'etait pas
retrograde; si enfin il pouvait et devait se fier.
Mais il ne le peut pas. Ledru-Rollin le trahira, non pas sciemment
et deliberement, non! Ledru dit comme nous quand on l'interroge. Il
comprend le progres illimite de l'avenir, il est trop intelligent pour
le contester. Sous l'influence d'hommes comme vous et comme Louis Blanc,
il y marcherait. Mais la destinee, c'est-a-dire son organisation,
l'entrainera ou il doit aller, a la trahison de la cause de l'avenir. Si
je me trompe, tant mieux! je serai la premiere, dans dix ans d'ici, si
nous sommes encore de ce monde et s'il a bien marche, a lui faire amende
honorable. Mais, aujourd'hui, ma conviction est trop forte pour me
permettre d'associer mon nom au sien dans une oeuvre dont le premier
acte est de rejeter, de honnir, de maudire Louis Blanc en lui imputant,
comme mal produit, le bien qu'il n'a pu faire et qu'on l'a empeche de
faire.
C'est la, cher ami, une des causes de mon decouragement. J'estime qu'on
se trompe, que vous vous trompez aussi sur un fait, que vous n'avez pas
mis la main sur un veritable element de salut pour la France, et par
consequent pour l'Italie, dont la cause est solidaire de la notre. Je me
dis qu'il n'y a pas a lutter contre le courant qui vous entraine a ce
choix, et je m'abstiens, toujours triste, toujours attachee a vous par
la foi la plus vive en vos sentiments et par l'affection la plus tendre
et la plus profonde.
Votre soeur,
GEORGE.
[1] Revue que Mazzini et Ledru-Rollin venaient de fonder a Londres.
CCCI
A M. ERNEST PERIGOIS, A LA CHATRE
Nohant, juillet 1849.
J'ai le coeur gros. Ils vont fusiller ce pauvre Kleber, qui etait venu
a Nohant apres les journees de juin, et qui etait vraiment un homme de
sens et de courage. Les assassins! Il me semble que je vois recommencer
1815.
Au point de vue critique, vous avez raison. A force d'etre dans les
romans et dans les poemes, et sur la scene, et dans l'histoire meme,
l'amour, la verite de l'etre et des affections n'y sont pas du tout. La
litterature veut idealiser la vie. Eh bien, elle n'y parvient pas, elle
ment, elle doit mentir, puisque l'art est une fiction, ou tout au moins
une interpretation. On est superbe, on est grand, on a cen
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