ils aient pris fin.
J'ai dix fois par jour l'envie tres serieuse de n'en pas voir davantage
et de me bruler la cervelle. Mais cela importe peu. Que j'aie ou non
patience jusqu'au bout, la masse n'en marchera ni plus ni moins vite.
Elle veut savoir, elle veut connaitre par elle-meme; elle se mefie de
qui en sait plus qu'elle; elle repousse les initiateurs, elle les trahit
ou les abandonne, elle les calomnie, elle les tuerait au besoin. Elle
abhorre le pouvoir, meme celui qui vient au nom de l'esprit de progres.
La masse n'est point disciplinee et elle est peu disciplinable. Je vous
assure que, si vous viviez en France,--je ne dis pas a Paris, qui
ne represente pas toujours l'opinion du pays, mais au coeur de la
France,--vous verriez qu'il n'y a rien a faire, sinon de la propagande,
et encore, quand on a un nom quelconque, ne faut-il pas la faire
directement; car elle ne rencontrerait que mefiance et dedain chez le
proletaire.
Et, pourtant, le proletaire fait parfois preuve d'engouement, me
direz-vous. Je le sais; mais son engouement tombe vite et se traduit
en paroles plus qu'en actions. Il y a en France une inegalite
intellectuelle epouvantable. Les uns en savent trop, les autres pas
assez. La masse est a l'etat d'enfance, les individualites a l'etat de
vieillesse pedante et sceptique. Notre revolution a ete si facile a
faire, elle eut ete si facile a conserver, qu'il faut bien que le mal
soit profond dans les esprits, et que la cause du mal soit ailleurs que
dans les faits.
Tout cela nous conduit a un grand et bel avenir, je n'en doute pas.
Le suffrage universel, avec la souffrance du pauvre d'un cote, et la
mechancete du riche de l'autre, nous fera, dans quelques annees, un
peuple qui votera comme un seul homme. Mais, jusque-la, ce peuple n'aura
pas la vertu de proceder, comme Rome et la Hongrie, par le sacrifice et
l'heroisme. Il patientera avec ses maux; car on vit avec la misere et
l'ignorance, malheureusement. Il lui faudrait des invasions et de grands
maux exterieurs pour le reveiller. S'il plait a Dieu de nous secouer
ainsi, que sa volonte s'accomplisse! Nous irions plus douloureusement
mais plus vite au but.
Il faut bien se faire ces raisonnements, mon ami, pour accepter la
torpeur politique qui assiste impassible a tant d'infamies. Autrement,
il faudrait maudire ses semblables, hair ou abandonner leur cause. Mais
je ne vous dis pas tout cela pour vous detourner d'agir dans le sens
que vous croyez effica
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