avait pas eu le temps
d'envoyer un "tube" a sa fille, elle nous quitta des apres le dejeuner.
Ce fut deja bien beau qu'avant elle entrat chez Jupien pour faire faire
un point au mantelet que ma grand'mere mettrait pour sortir. Rentrant
moi-meme a ce moment-la de ma promenade matinale, j'allai avec elle chez
le giletier. "Est-ce votre jeune maitre qui vous amene ici, dit Jupien a
Francoise, est-ce vous qui me l'amenez, ou bien est-ce quelque bon vent
et la fortune qui vous amenent tous les deux?" Bien qu'il n'eut pas
fait ses classes, Jupien respectait aussi naturellement la syntaxe que
M. de Guermantes, malgre bien des efforts, la violait. Une fois
Francoise partie et le mantelet repare, il fallut que ma grand-mere
s'habillat; Ayant refuse obstinement que maman restat avec elle, elle
mit, toute seule, un temps infini a sa toilette, et maintenant que je
savais qu'elle etait bien portante, et avec cette etrange indifference
que nous avons pour nos parents tant qu'ils vivent, qui fait que nous
les faisons passer apres tout le monde, je la trouvais bien egoiste
d'etre si longue, de risquer de me mettre en retard quand elle savait
que j'avais rendez-vous avec des amis et devais diner a Ville-d'Avray.
D'impatience, je finis par descendre d'avance, apres qu'on m'eut dit
deux fois qu'elle allait etre prete. Enfin elle me rejoignit, sans me
demander pardon de son retard comme elle faisait d'habitude dans ces
cas-la, rouge et distraite comme une personne qui est pressee et qui a
oublie la moitie de ses affaires, comme j'arrivais pres de la porte
vitree entr'ouverte qui, sans les en rechauffer le moins du monde,
laissait entrer l'air liquide, gazouillant et tiede du dehors, comme si
on avait ouvert un reservoir, entre les glaciales parois de l'hotel.
--Mon Dieu, puisque tu vas voir des amis, j'aurais pu mettre un autre
mantelet. J'ai l'air un peu malheureux avec cela.
Je fus frappe comme elle etait congestionnee et compris que, s'etant
mise en retard, elle avait du beaucoup se depecher. Comme nous venions
de quitter le fiacre a l'entree de l'avenue Gabriel, dans les
Champs-Elysees, je vis ma grand'mere qui, sans me parler, s'etait
detournee et se dirigeait vers le petit pavillon ancien, grillage de
vert, ou un jour j'avais attendu Francoise. Le meme garde forestier qui
s'y trouvait alors y etait encore aupres de la "marquise", quand,
suivant ma grand'mere qui, parce qu'elle avait sans doute une nausee,
tenait sa main devant sa
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