on roman
le mieux compose: Claire y est bien charmante; comme personnage d'homme
lequel vous y est le plus sympathique?
Je crus d'abord qu'il la faisait ainsi parler litterature parce que,
lui, la medecine l'ennuyait, peut-etre aussi pour faire montre de sa
largeur d'esprit, et meme, dans un but plus therapeutique, pour rendre
confiance a la malade, lui montrer qu'il n'etait pas inquiet, la
distraire de son etat. Mais, depuis, j'ai compris que, surtout
particulierement remarquable comme alieniste et pour ses etudes sur le
cerveau, il avait voulu se rendre compte par ses questions si la memoire
de ma grand'mere etait bien intacte. Comme a contre-coeur il
l'interrogea un peu sur sa vie, l'oeil sombre et fixe. Puis tout a coup,
comme apercevant la verite et decide a l'atteindre coute que coute, avec
un geste prealable qui semblait avoir peine a s'ebrouer, en les
ecartant, du flot des dernieres hesitations qu'il pouvait avoir et de
toutes les objections que nous aurions pu faire, regardant ma grand'mere
d'un oeil lucide, librement et comme enfin sur la terre ferme, ponctuant
les mots sur un ton doux et prenant, dont l'intelligence nuancait toutes
les inflexions (sa voix du reste, pendant toute la visite, resta ce
qu'elle etait naturellement, caressante, et sous ses sourcils
embroussailles, ses yeux ironiques etaient remplis de bonte):
--Vous irez bien, Madame, le jour lointain ou proche, et il depend de
vous que ce soit aujourd'hui meme, ou vous comprendrez que vous n'avez
rien et ou vous aurez repris la vie commune. Vous m'avez dit que vous ne
mangiez pas, que vous ne sortiez pas?
--Mais, Monsieur, j'ai un peu de fievre.
Il toucha sa main.
--Pas en ce moment en tout cas. Et puis la belle excuse! Ne savez-vous
pas que nous laissons au grand air, que nous suralimentons, des
tuberculeux qui ont jusqu'a 39 deg.?
--Mais j'ai aussi un peu d'albumine.
--Vous ne devriez pas le savoir. Vous avez ce que j'ai decrit sous le
nom d'albumine mentale. Nous avons tous eu, au cours d'une
indisposition, notre petite crise d'albumine que notre medecin s'est
empresse de rendre durable en nous la signalant. Pour une affection que
les medecins guerissent avec des medicaments (on assure, du moins, que
cela est arrive quelquefois), ils en produisent dix chez des sujets bien
portants, en leur inoculant cet agent pathogene, plus virulent mille
fois que tous les microbes, l'idee qu'on est malade. Une telle croyance,
puissante sur le
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