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ecialiste des maladies nerveuses, celui a qui Charcot avant
de mourir avait predit qu'il regnerait sur la neurologie et la
psychiatrie. "Ah! je ne sais pas, c'est tres possible", dit Francoise
qui etait la et qui entendait pour la premiere fois le nom de Charcot
comme celui de du Boulbon. Mais cela ne l'empechait nullement de dire:
"C'est possible." Ses "c'est possible", ses "peut-etre", ses "je ne sais
pas" etaient exasperants en pareil cas. On avait envie de lui repondre:
"Bien entendu que vous ne le saviez pas puisque vous ne connaissez rien
a la chose dont il s'agit, comment pouvez-vous meme dire que c'est
possible ou pas, vous n'en savez rien? En tout cas maintenant vous ne
pouvez pas dire que vous ne savez pas ce que Charcot a dit a du Boulbon,
etc., vous le savez puisque vous nous l'avons dit, et vos "peut-etre",
vos "c'est possible" ne sont pas de mise puisque c'est certain."
Malgre cette competence plus particuliere en matiere cerebrale et
nerveuse, comme je savais que du Boulbon etait un grand medecin, un
homme superieur, d'une intelligence inventive et profonde, je suppliai
ma mere de le faire venir, et l'espoir que, par une vue juste du mal, il
le guerirait peut-etre, finit par l'emporter sur la crainte que nous
avions, si nous appelions un consultant, d'effrayer ma grand'mere. Ce
qui decida ma mere fut que, inconsciemment encouragee par Cottard, ma
grand'mere ne sortait plus, ne se levait guere. Elle avait beau nous
repondre par la lettre de Mme de Sevigne sur Mme de la Fayette: "On
disait qu'elle etait folle de ne vouloir point sortir. Je disais a ces
personnes si precipitees dans leur jugement: "Mme de la Fayette n'est
pas folle" et je m'en tenais la. Il a fallu qu'elle soit morte pour
faire voir qu'elle avait raison de ne pas sortir." Du Boulbon appele
donna tort, sinon a Mme de Sevigne qu'on ne lui cita pas, du moins a ma
grand'mere. Au lieu de l'ausculter, tout en posant sur elle ses
admirables regards ou il y avait peut-etre l'illusion de scruter
profondement la malade, ou le desir de lui donner cette illusion, qui
semblait spontanee mais devait etre tenue machinale, ou de ne pas lui
laisser voir qu'il pensait a tout autre chose, ou de prendre de l'empire
sur elle,--il commenca a parler de Bergotte.
--Ah! je crois bien, Madame, c'est admirable; comme vous avez raison de
l'aimer! Mais lequel de ses livres preferez-vous? Ah! vraiment! Mon
Dieu, c'est peut-etre en effet le meilleur. C'est en tout cas s
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