uvoir rien dire. Je me retablis a la fin, et je sus qu'on projetait
une partie d'anes dans la foret avec les cousins et cousines.
XII
LES VOLEURS
Tous les enfants se trouvaient reunis dans la cour; beaucoup d'anes
avaient ete rassembles de tous les villages voisins. Je reconnus presque
tous ceux de la course; celui de Jeannot me regardait d'un air farouche,
tandis que je lui lancais des regards moqueurs. La grand'mere de Jacques
avait chez elle presque tous ses petits-enfants: Camille, Madeleine,
Elisabeth, Henriette, Jeanne, Pierre, Henri, Louis et Jacques. Les
mamans de tous ces enfants devaient venir avec eux a ane, tandis que
les papas suivraient a pied, armes de baguettes, pour faire marcher
les paresseux. Avant de partir, on se querella un peu, comme il arrive
toujours, a qui prendrait le meilleur ane: tout le monde voulait
m'avoir, personne ne voulait me ceder, de sorte qu'on resolut de me
tirer au sort. Je tombai en partage au petit Louis, cousin de Jacques;
c'etait un excellent petit garcon, et j'aurais ete tres content de mon
sort, si je n'avais vu le pauvre petit Jacques essuyer en cachette
ses yeux pleins de larmes. Chaque fois qu'il me regardait, ses larmes
debordaient; il me faisait de la peine, mais je ne pouvais le consoler;
il fallait bien d'ailleurs qu'il apprit comme moi la resignation et la
patience. Il finit par prendre son parti, et monta son ane en disant au
cousin Louis:
--Je resterai toujours pres de toi, Louis; ne fais pas trop galoper
Cadichon, pour que je ne reste pas en arriere.
_Louis_:--Et pourquoi resterais-tu en arriere? Pourquoi ne galoperais-tu
pas comme moi?
_Jacques_:--Parce que Cadichon galope plus vite que tous les anes du
pays.
_Louis_:--Comment sais-tu cela?
_Jacques_:--Je les ai vus courir pour gagner le prix le jour de la fete
du village, et Cadichon les a tous depasses.
Louis promit a son cousin qu'il n'irait pas trop vite, et tous deux
partirent au trot. Mon camarade n'etait pas mauvais, de sorte que je
n'eus pas a me gener beaucoup pour ne pas le depasser. Les autres nous
suivaient tant bien que mal; nous arrivames ainsi jusqu'a une foret ou
les enfants devaient voir de tres belles ruines d'un vieux couvent et
d'une ancienne chapelle. Elles avaient une mauvaise reputation dans le
pays; on n'aimait pas a y aller autrement qu'en nombreuse compagnie. La
nuit, disait-on, des bruits etranges semblaient sortir de dessous
les decombres; des gemissements, de
|