Rosebelle.
CONCLUSION
Catastrophe lamentable.
Guillaume-Hyacinthe Bougeant
EPITRE
A Madame C B.
Non, madame, je ne connois point de mechancete pareille a celle que
vous m'avez faite. Il faut que le public en soit juge; je ne puis
souffrir les romans, vous le scavez. Je vois que vous les aimez, et
je vous en fais la guerre. Vous me demandez pourquoi: je vous dis
mes raisons; et comme si vous etiez disposee a vous laisser
persuader, finement vous m'engagez a les mettre par ecrit.
Mais quoi! Faire une dissertation raisonnee, une controverse de
casuiste ou de philosophe pedant? Non, dis-je en homme d'esprit; il
faut donner a mes raisons un tour agreable, les envelopper sous
quelque idee riante, sous quelque fiction qui amuse; et pour cela
j'imagine le voyage merveilleux du Prince Fan-Feredin. Le voila
fait: c'est un roman; et c'est moi qui l'ai fait. O ciel! C'est-a-
dire, que vous avez trouve le moyen de me faire faire un roman, a
moi l'ennemi declare des romans, et cela dans le tems que je vous
reproche de les aimer. Avouez-le, madame: c'est-la ce qu'on appelle
une trahison, une noirceur.
Mais je serai venge. Vous n'aimez pas les loueanges; privilege bien
singulier pour une femme. Vous abhorrez une epitre dedicatoire, vous
me l'avez dit. Eh bien, vous aurez l'un et l'autre. Car je le
declare ici a tout le public. C'est a vous, et a vous toute seule,
c'est a Madame C B que je dedie cet ouvrage; et comme jamais
dedicace ne va sans eloges, il ne tient qu'a moi de vous en
accabler; c'est une belle occasion de satisfaire l'envie que j'en ai
depuis long-tems. Non, je crois vous entendre me demander grace, et
je n'ai pas le courage de vous refuser. Pour rendre ma vengeance
complette, il suffiroit de vous nommer; mais je m'en garderai bien,
parce que vous ne manqueriez pas de me rendre la pareille; et a dire
le vrai, je ne vous hais pas assez pour acheter a mes propres depens
le plaisir de me venger. Gardez-moi donc le secret, je vous prie,
comme je vous le garderai; et je vous promets de plus que si ce
petit ouvrage repond a mes intentions, en vous inspirant vous et a
ceux qui le liront un juste degout de la lecture des romans, je vous
pardonnerai de me l'avoir fait ecrire. J'ai l'honneur d'etre,
madame, votre tres-humble et tres-obeissant serviteur.
CHAPITRE 1
Voyage merveilleux du Prince Fan-Feredin dans la romancie. Depart du
Prince Fan-Feredin pour la romancie.
Je pourrois, suivant un usage assez re
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