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perroquets sans nombre, et qui parloient toutes les langues avec une
facilite admirable, des oiseaux bleus, des merles blancs, des
corbeaux couleur de feu, des phenix, et quantite d'autres oiseaux
rares qu'on ne voit jamais dans ce pays-ci; mais ce spectacle
m'arreta peu, parce qu'un objet imprevu attira mes regards.
J'appercus un cavalier etendu sous un grand arbre et qui paroissoit
dormir d'un profond sommeil. Je m'en approchai aussi-tot, et apres
avoir contemple quelque tems les traits de son visage, qui avoient
quelque chose de noble et d'aimable, et sa taille qui etoit fort
belle, je deliberai si je ne le reveillerois point, pour lui
demander les eclaircissemens dont j'avois besoin; mais je jugeai
qu'il seroit plus honnete d'attendre son reveil. J'attendis en effet
assez long-tems; enfin suivant les mouvemens de mon impatience, je
m'en approchai, je lui pris la main, je l'appellai, je le secouai
meme, mais ce fut inutilement. Je ne scavois que penser d'un sommeil
si extraordinaire, et m'imaginant que l'infortune cavalier pouvoit
etre tombe en letargie, je lui appliquai au nes et aux tempes une
eau divine que je portois sur moi; mais j'eus le chagrin de voir
echoueer mon remede. Enfin je m'avisai de songer que dans la romancie
les plantes avoient des vertus etonnantes. J'en cueeillis sur le
champ quelques-unes qui me parurent des plus singulieres, et pour en
essayer l'effet, j'en frottai le visage du cavalier endormi: les
premieres ne reussirent pas; mais en ayant cueeilli d'une autre
espece, a peine la lui eus-je fait sentir, qu'il se reveilla dans
l'instant avec un grand eternuement, qui fit retentir la foret et
mit en fuite tous les oiseaux du voisinage.
Genereux Prince Fan-Feredin, me dit-il, en m'appellant par mon nom,
ce qui m'etonna beaucoup, que ne vous dois-je pas pour le service
que vous venez de me rendre. Vous m'avez reveille, et dans trois
jours je possederai l'adorable anemone. Il faut, ajouta-t-il, que je
vous raconte mon histoire, afin que vous connoissiez toute
l'obligation que je vous ai.
Je m'appelle le Prince Zazaraph. Il y a pres de dix ans que par la
mort de mon pere, dont j'etois l'unique heritier, je devins grand
paladin de la Dondindandie. J'eus le bonheur de me faire aimer des
dondindandinois mes sujets, que je gouvernois plutot en pere qu'en
souverain; car il est vrai que tous les jours de mon regne etoient
marques par quelque nouveau bienfait. Ils me presserent d'epouser
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