ers venus y attendent les autres; et comme il y en a tel
quelquefois qui attend en vain, c'est ce qui a fonde le proverbe,
attendez-moi sous l'orme. Au reste, ajouta-t-il, nous pouvons, si
nous voulons, nous approcher des bosquets, voir tout ce qui s'y
passe, et entendre tout ce qui s'y dit: comment, repris-je, on fait
ici les choses si peu secretement? Sans doute, repliqua-t-il; eh!
Comment les auteurs qui composent les annales romanciennes
pourroient-ils autrement scavoir si en detail tous les entretiens
les plus particuliers de deux amans jusqu'a la derniere syllabe?
Vous avez raison, lui dis-je, et vous m'expliquez-la une chose que
je n'avois jamais comprise. Mais avec tout cela je ne comprends pas
encore comment des ecrivains, par exemple, celui de Cyrus ou de
Cleopatre, peuvent ecrire de si longues suites de discours sans en
perdre un seul mot. C'est, me repondit le Prince Zazaraph, que vous
ne scavez pas comment cela se fait.
Mais, continua-t-il, entrons dans ce bosquet, qui est celui des
declarations; vous pourrez par celui-la seul juger des autres, et
vous allez comprendre ce mystere. Voyez-vous, continua-t-il, ces
quatre grands tableaux d'ecriture qui sont attachees a l'entree du
bosquet? Ce sont quatre modeles differens de declaration d'amour,
contenant les demandes et les reponses et s'il n'y en a que quatre,
c'est qu'on n'a pas encore pu en inventer un cinquieme; car pour le
dire en passant, nos annalistes ecrivent ordinairement assez bien;
mais ils ont rarement de cette imagination qu'on appelle invention,
et qui fait trouver quelque chose qu'un autre n'a pas dite avant
eux. C'est ce qui fait qu'ils ne font que se copier tous les uns les
autres. Or pour revenir a nos tableaux, tous les amans qui entrent
dans ce bosquet pour se declarer leur amour, ne manquent pas de
prendre l'un de ces quatre modeles, qu'ils recitent tout de suite.
L'annaliste n'a ainsi qu'a observer lequel des quatre modeles on
employe, et il scait tout d'un coup toute la suite de la
conversation. Il en est de meme de tous les autres bosquets jusqu'a
celui des soupirs, dont le nombre est regle, afin que l'annaliste
n'aille pas faire une bevue ridicule contre la verite de l'histoire,
en faisant soupirer quatre fois une princesse qui n'en aura soupire
que trois. Si cela est, repris-je, il est inutile d'ecouter ce que
disent tous les couples d'amans que je vois repandus dans ce bois.
Vous dites vrai, me repondit-il; car si vous vous donnez
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