s ou de deux, tant hommes que femmes,
et plusieurs qui se promenoient seuls un peu a l'ecart. Comme je ne
connoissois personne, je crus devoir faire comme ces derniers, afin
d'examiner la contenance et les facons des romanciens avant que d'en
aborder quelqu'un.
La premiere observation que je fis, c'est que je n'appercevois ni
enfans, ni vieillards. Il n'y en a point en effet dans toute la
romancie, et on en voit assez la raison. Toute la nation par
consequent est composee d'une jeunesse brillante, saine, vigoureuse,
fraiche, la plus belle du monde; et quand je dis la plus belle,
cette proposition est si exactement vraye, qu'on ne peut, sans une
injustice criante, faire sur cela la moindre comparaison. Les
francois, par exemple, passent pour une assez belle nation.
Cependant si on l'examine de pres, on y trouvera beaucoup de gens
malfaits. Rien n'est meme si commun que d'y voir des personnes
entierement contrefaites; on y voit d'ailleurs des visages si peu
agreables, des yeux si petits, des nez si longs, des bouches si
grandes, des mentons si plaisans. Or voila ce qui ne se voit jamais
dans la romancie. Il est pourtant vrai qu'on y conserve de tout tems
une petite race extremement contrefaite d'hommes et de femmes pour
servir de contraste dans l'occasion, suivant le besoin des
ecrivains. Mais outre qu'elle est en tres-petit nombre, c'est une
race aussi etrangere a la romancie, que les negres le sont a
l'Europe; et a cela pres il est inouei d'y rencontrer une personne
qui n'ait pas la taille parfaitement belle. Un nes tant soit peu
long, des yeux tant soit peu petits, y seroient regardes comme un
monstre. Tous, tant hommes que femmes, et sur-tout celles-ci, ont
tous les traits du visage extremement reguliers. C'est-la que la
blancheur du front efface celle de l'albatre, que les arcs des
sourcils disputent de perfection avec l'iris, c'est-la que l'ebene
et la neige, les lys et les roses, le corail et les perles, l'or et
l'argent, tantot fondus ensemble, tantot separement, concourent a
former les plus belles tetes et les plus beaux visages qu'on puisse
imaginer. Toutes les dames y ont sur-tout les yeux d'une beaute
admirable. J'en connois pourtant quelque part dans ce pays-ci
d'aussi beaux, mais ils sont rares; car ce sont des astres brillans,
dont l'eclat ebloueit, des soleils d'ou partent mille traits de
flamme qui embrasent tous les coeurs. a leur aspect on voit fondre
la froide indifference comme la glace exposee aux
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