ardeurs du soleil.
L'amour y fait sa demeure pour lancer plus surement ses traits.
Aussi n'y a-t-il aucun coup perdu: eh! Quel coeur pourroit y
resister? On ne peut pas s'en defendre: tot ou tard il faut se
rendre, et ceder de bonne grace a de si puissans vainqueurs. Mais ce
qui acheve de faire des habitans de la romancie les plus belles
personnes qu'on puisse voir, c'est qu'avec tous ces traits de beaute
ils ont tous un air fin, une physionomie noble, quelque chose de
majestueux et de gracieux tout ensemble, de fier et de doux,
d'ouvert et de reserve, quelque chose de charmant, je ne scais quoi
d'engageant, un tour de visage si attrayant, un certain agrement
dans les manieres, une certaine grace dans le discours, un sourire
si doux, des charmes qu'on ne scauroit dire, mille choses qu'on ne
scauroit exprimer, en un mot mille je ne scais quoi qui vous
enchantent je ne scais comment. Ce n'est pourtant pas encore tout.
Car comme si la nature se plaisoit a epuiser tous ses dons pour
former les habitans de la romancie aux depens de tout le reste du
genre humain, on les voit joindre a tant d'avantages naturels toutes
les perfections de corps et d'esprit qu'on peut desirer. Ils dansent
tous admirablement bien; ils chantent a ravir; ils jouent des
instrumens dans la grande perfection; ils sont d'une adresse infinie
a tous les exercices du corps: s'il y a une joute, ils remportent
toujours le prix, et s'il y a un combat, ils en sortent toujours
vainqueurs: que l'on juge apres cela s'il n'y a pas sans comparaison
beaucoup plus d'avantage de naitre citoyen romancien, que de naitre
aujourd'hui prince ou duc, et autrefois citoyen romain.
J'avoue que ce ne fut pas sans une extreme confusion que je me vis
d'abord au milieu d'un peuple si bien fait. Car quoique je ne sois
pas difforme, je me rendois pourtant la justice de penser qu'aupres
de personnes si bien faites, je devois paroitre un homme fort
disgracie de la nature. Cette pensee me frappa meme tellement, que
dans la crainte d'etre un objet de risee, je me retirai dans un lieu
ecarte pour me derober aux yeux des passans. La, comme je deplorois
le desagrement de ma situation, mes reflexions me porterent
naturellement a tirer de ma poche un petit miroir pour m'y regarder.
Mais quel fut mon etonnement de me voir change au point que je ne me
reconnoissois plus moi-meme! Mes cheveux qui etoient presque roux,
etoient du plus beau blond; mon front s'etoit agrandi, mes yeux
devenus v
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