mans. Mais
ce qui acheve de les rendre les plus aimables personnes du monde, ce
sont ces graces touchantes et naturelles dont elles sont toutes
pourvues. Qu'elles soient vives ou d'une humeur plus tranquille,
qu'elles chantent, qu'elles dansent, qu'elles sourient, qu'elles
soient tristes, qu'elles dorment ou qu'elles veillent, elles font
tout cela avec tant de grace et de gentillesse, qu'il n'y a point de
coeur si insensible qui n'en soit emu. L'aimable candeur et
l'innocente simplicite sont des vertus qui ne les quittent jamais.
Elles ignorent jusqu'au nom de la dissimulation, de la perfidie, de
l'infidelite, et de ces artifices dangereux, que la jalousie ou la
coquetterie mettent en usage. Le berger qui vit parmi elles est le
plus heureux des hommes; s'il aime, il est sur d'etre aime; sa
tendresse est payee de tendresse, et sa constance de fidelite. Le
berger sans amour et qui cherit son indifference, n'a point a
craindre d'etre seduit par les amorces trompeuses d'une coquette
perfide ou volage. amour et simplesse, c'est leur devise, et l'age
d'or recommence tous les jours pour eux. Ce qu'il y a de plus
admirable, c'est qu'avec cette innocente simplicite qui fait leur
caractere, et les bergers et les bergeres, semblables a ceux du
Lignon, joignent tous les raffinemens les plus recherches de l'amour
le plus delicat, et des coeurs les plus sensibles; mais il est inouei
qu'ils en fassent jamais d'usage qu'au profit de l'amour meme. Assis
a l'ombre des verds boccages, ou sur les bords d'un clair ruisseau,
on les voit toujours agreablement occupes a chanter leurs amours, et
a faire retentir les echos des vallons du son de leurs chalumeaux,
et de leurs pipeaux champetres. Les oiseaux ne manquent jamais d'y
meler leur tendre ramage, en meme tems que les ruisseaux y joignent
leur doux murmure. Les troupeaux se ressentent de la fecilite de
leurs maitres, et l'on voit toujours dans leurs prairies bondir les
moutons et les agneaux, sans que les loups osent leur donner la
moindre allarme. Au reste, ils ne songent jamais, ces heureux
bergers, aux noeuds de l'hymen. Ils mettent toute leur satisfaction
a recevoir quelques tendres marques d'amitie de leurs vertueuses et
chastes bergeres, et jusques a la mort ils preferent constamment
l'esperance de posseder aux fades douceurs de la possession meme.
J'avoue, que touche d'un spectacle si riant et si gracieux, je fus
tente de prendre sur le champ une pannetiere et une houlette, et de
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