d'entretenir
continuellement, c'etoit pour loger et nourrir un troupeau de
salamandres. L'autre etoit rempli d'une belle eau claire et
transparente. C'etoit la demeure de deux ou trois bandes de sirenes
qu'on y avoit logees comme dans une maison de force, pour les punir
des debauches effroyables, ou elles avoient engage par les charmes
de leur voix enchanteresse, quantite de heros vertueux. Outre la
retraite a laquelle elles etoient condamnees pour plusieurs annees,
elles avoient defense de chanter, si ce n'etoit quelques morceaux de
l'opera d'H parce qu'on jugeoit qu'il n'y avoit pas de danger d'en
etre attendri; mais elles en trouvoient le chant si sauvage,
qu'elles aimoient mieux se taire, de sorte qu'elles etoient en effet
muettes comme des poissons. Outre ces deux canaux, il y avoit encore
un puits fort profond, qui servoit de demeure a des basilics. Mais
je me gardai bien de me presenter a l'ouverture du puits, pour ne
pas m'exposer a etre tue par le regard meurtrier de ces monstres.
Je passai de la a un quartier ou j'appercevois des moutons. Je n'ai
jamais rien vu de si aimable. Mais j'ai sur tout un plaisir
singulier a me rappeller le charmant tableau qui s'offrit a mes
yeux. On scait comment sont faits parmi nous les bergers et les
bergeres; rien de plus abject ni de plus degoutant; et n'en ayant
jamais vu d'autres, je m'etois persuade que tout ce que je lisois de
ceux d'autrefois, sur tout de ceux qui habitoient les bords du
Lignon, n'etoit que jeu d'esprit et pure fiction. C'est moi qui me
faisois illusion a moi-meme.
Non, rien n'est si galant ni si aimable que les bergers de la
romancie. Leur habillement est toujours extremement propre; simple,
mais de bon gout: peu charge de parures, mais elegant et bien
assorti a la taille et a la figure. Toutes leurs houlettes sont
ornees de rubans, dont la couleur n'est jamais choisie au hazard;
car elle doit marquer toujours les sentimens et les dispositions de
leur coeur; et je n'en ai vu aucune qui ne fut en meme tems chargee
de chiffres ingenieux et tout-a-fait galants. Si les bergeres
ignorent l'usage du rouge, du blanc, des mouches et de tous les
attraits empruntes, c'est que l'eclat et la vivacite naturelle de
leur teint surpasse tout ce que l'art peut preter d'agremens. Toute
la parure de leur tete consiste en quelques fleurs nouvelles, qui
melees avec les boucles de leurs cheveux, font un effet plus
charmant mille fois que ne feroient les perles et les dia
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