en a souhaiter que
nous eussions dans ce pays-ci de pareils haras; mais on n'en a
encore jamais vu que dans la Lybie. J'y remarquai sur tout une
jument d'une beaute admirable. On l'appelloit la jument sonnante,
parce qu'il lui pendoit aux crins de la tete et du col, une infinite
de petites sonnettes d'or, qui au jugement des fins connoisseurs en
harmonie, faisoient une fort belle musique. La seconde espece est
des Pegases, c'est-a-dire, de ces chevaux ailes qui volent dans les
airs aussi legerement que nos hirondelles. On scait qu'il n'en a
paru qu'un seul dans notre hemisphere du tems de Bellerophon; mais
ils sont fort communs dans la romancie. La troisieme espece est de
ces belles licornes blanches, qui portent une longue corne au milieu
du front. Elles sont fort estimees dans le pays quoiqu'elles n'y
soient pas rares.
Pres du parc aux chevaux j'en vis un de griffons et d'hippogriffes.
Ces animaux sont terribles en apparence, et on ne peut considerer
sans quelque frayeur leurs griffes effroyables, leur bec crochu,
leurs grandes ailes, et leur queue de lion; mais ils sont en effet
les plus dociles de tous les animaux, et fort aises a apprivoiser.
Quand on en a une fois apprivoise quelqu'un, on en fait tout ce
qu'on veut. Ils sont d'une commodite admirable pour atteler aux
voitures, et faire beaucoup de chemin en peu de tems. Pour ce qui
est des centaures, on voulut autrefois les faire parquer aussi comme
les chevaux et les griffons, parce qu'ils tiennent en effet beaucoup
du cheval; mais ils n'y voulurent jamais consentir, pretendant
qu'ils ne tenoient pas moins de l'homme; et comme en effet il est
assez difficile de decider si ce sont des hommes ou des chevaux,
l'affaire est demeuree indecise; et cependant on leur a laisse la
liberte de courir la campagne selon leur fantaisie, et de vivre a
leur maniere. Le parc des hircocerfs et des chimeres me parut un des
plus curieux a voir, et m'amusa fort long-tems. Tous ces monstres
etoient resserres chacun dans une loge faite en forme de cage, qui
laissoit voir toute leur taille et leur figure, ce qui faisoit une
espece de menagerie fort divertissante d'une part, par l'assortiment
bizarre de divers animaux unis ensemble, et terrible de l'autre par
la figure monstrueuse et menacante de ces betes farouches.
Aux deux cotes de cette menagerie on avoit pratique deux grands
canaux, mais bien differens l'un de l'autre; car l'un etoit plein
d'un feu clair et vif, qu'on avoit soin
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