ne l'avaient pas vue guetter, ils l'avaient sentie. Ils disparurent tout
a coup. Le brigand tourna d'une maniere sinistre autour de la crevasse
ou ils etaient refugies dans leur nid, mais l'entree etait trop petite
pour qu'il y put penetrer. Il retourna a son guettoir. Les moineaux
ressortirent aussitot, et, plantes sur leur petit seuil, l'accablerent
d'injures et de railleries. Il revint plusieurs fois a la charge.
Toujours apres avoir lestement battu en retraite, ces audacieux
oisillons reparurent pour le provoquer, l'insulter et le maudire.
Que lui fut-il reproche? De quelles represailles le menacerent-ils? Il
faut bien croire que quelques chose de sanglant lui fut dit, car
l'oiseau de proie se lassa de les tourmenter, et, quelques moments
apres, nous vimes les moineaux, pleins de gaiete, sautiller sur la
muraille et picorer dans les plantes parietaires, sans aucun souci de
l'ennemi terrible, et ne manquant jamais d'adresser quelque impertinence
aux martinets qui les effleuraient de leur vol, et avec lesquels, du
reste, ils ne paraissent avoir qu'une guerre de gros mots.
Les veritables victimes de ces grandes hirondelles noires, aux griffes
acerees, sont probablement les lezards, dont les squelettes digeres tout
entiers jonchaient les ruines du donjon.
Ainsi les faibles passereaux, dont les moyens de defense seraient nuls
contre tant et de si redoutables ennemis, viennent a bout d'elever leur
famille au milieu d'eux et de lui enseigner encore le caquet et le
sarcasme de la dispute au sein de l'eternel danger. D'ou vient cela? De
la superiorite d'intelligence apparemment. Michelet nous l'eut explique,
lui qui a daigne etudier la vie des oiseaux avec presque autant d'amour
et d'emotion que celle des hommes.
Nous renvoyames le gamin et son ane, et, apres un dejeuner copieux dans
les ruines, nous eumes a descendre au fond du ravin pour retourner au
village en suivant le bord de la Creuse.
Je n'avais jamais eu le loisir de faire cette marche qui est de quatre
heures au moins, la plupart du temps sans chemin fraye sur le roc
tranchant ou sur les pierres aigues. Mais, malgre l'effroyable chaleur
engouffree dans les meandres de la gorge, nous ne songeames point a
regretter d'avoir entrepris cette dure promenade.
C'est le paradis et le chaos que l'on trouve tour a tour; c'est une
suite ininterrompue de tableaux adorables ou grandioses, changeant
d'aspect a chaque pas, car la riviere est fort sinueuse, et, comme e
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