le songe d'une vie meilleure?
Tout le monde la comprendrait, cette passion, si la nature etait belle
partout. Elle le serait, si l'homme voulait et savait. Il ne s'agirait
pas de la laisser a elle-meme, la ou elle se refuse a nourrir l'homme.
Il s'agirait de lui conserver son type et de lui restituer, avec les
qualites de la fecondite, le caractere de grace ou de solennite qui lui
est propre.
Cela viendra, ne nous desolons pas pour notre descendance. Nous
traversons les jours d'enfantement de l'agriculture. La terre n'est
ingrate que parce que le genie de l'homme a ete paresseux. Nous sortons
des tenebres de la routine. La science et la pratique prennent un
magnifique essor au point de vue de l'utilite sociale. La vie materielle
absorbe tout, la question du pain enfante des prodiges. Les artistes et
les reveurs ont tort pour le moment.
Il le faut, et n'importe! car le sentiment du beau et les besoins de
l'ame reviendront quand la production aura paye l'homme de ses depenses
et de ses peines. La question des arbres viendra le preoccuper quand il
aura trouve le chauffage sans bois. La question des fleurs descendra des
regions du luxe aux besoins intellectuels de tous les hommes. La
question des eaux et des abris de rochers fera des prodiges quand il y
aura communaute, je ne dis pas de propriete (je ne souleve pas cette
question), mais de culture en grand avec une direction savante et
intelligente.
Deja les efforts particuliers de quelques riches amis du beau font
pressentir ce que sera la campagne en France dans une centaine d'annees
peut-etre. On comprend deja tres-bien qu'un parc de quelques lieues
carrees soit une fantaisie realisable, et que, au milieu de ses grandes
eclaircies et de ses immenses pelouses, les moissons et les fauchailles
s'effectuent facilement a travers des allees ombragees et doucement
sinueuses.
Il n'y a donc pas de raisons pour qu'un jour, quand l'interet social
aura prononce qu'il est indispensable de reunir tous les efforts vers le
meme but, des departements entiers, des provinces entieres, ne
deviennent pas d'admirables jardins agrestes, conservant tous leurs
accidents de terrains primitifs devenus favorables a la nature de la
vegetation qu'on aura su leur confier, distribuant leurs eaux dans des
veines artificielles fecondantes et gracieuses, et se couvrant d'arbres
magnifiques la ou ne poussent aujourd'hui que de steriles broussailles.
A mesure qu'on obtiendra ce resultat, en vue
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