ers pour aller au Trou-Martin, un bel
endroit, le plus herisse de la contree: rochers en aiguilles sur les
deux rives de la Creuse, aridite complete, decoupure romantique autour
du courant devenu plus rapide; l'un fait un croquis; l'autre, un somme.
Au retour, a un meandre ou le torrent est calme et profond, une barque
glisse lentement d'une rive a l'autre. Le batelier conduit trois femmes
chargees de paniers de fruits; tous quatre sont superbes de pose et de
costume, a leur insu; l'eau est un miroir; les rivages herbus, les
arbres, les terrains sont etincelants au soleil, qui baisse et rougit.
Tout est rose, chaud et d'un calme sublime.
Ce n'est pas le lac Nemi; ce ne sont pas les femmes d'Albano, c'est
autre chose: c'est moins beau et plus touchant. Ici, rien ne pose. En
Italie, le moindre brin d'herbe fait ses embarras et attend le peintre.
Belle et bonne France, on ne te connait pas!
On part a cinq heures, on flane un peu en route, on boit de l'eau
fraiche a Cluis. On peut y manger des goires, gateau au fromage de la
localite. C'est etouffant; mais quand on a faim!...
On arrive a la maison a onze heures du soir. On soupe, on range les
papillons, on se couche a deux heures.
X
14 juillet.
Notre ami l'avoue, le fils de la venerable pastoure, est venu nous voir
ce matin.
Amyntas lui confie le soin de regulariser son acquisition et le traite
de _mon avoue_ avec une aisance importante. On dirait qu'il n'a fait
autre chose de sa vie que d'etre proprietaire. Il ne dit plus _ma
chaumiere_, il ne dit meme plus _ma maison_, il dit _ma villa_.
L'avoue nous donne des renseignements sur le pays, dont il est ne
_natif_, comme on dit chez nous. Il a ete eleve pieds nus, sur les
roches du _Cerisier_. Il soupire au souvenir du temps ou, lui aussi,
gardait ses vaches dans les grandes herbes. Il a l'excellent esprit de
comprendre que sa mere n'ait pu s'habituer a l'air mou d'une ville et au
parfum de renferme d'une etude. Puis il nous dit, lui qui connait la
realite des choses humaines et qui est rompu au contact des interets et
des passions des gens de campagne:
--Vous avez eu une bien bonne idee de vouloir planter la une tente. Je
ne crois pas que vous le regrettiez jamais. Ce village est un nid de
braves gens.
--En verite? Il nous semblait, mais nous ne savions pas! Nous cherchions
des fleurs et des papillons. Aurions-nous trouve des hommes?
--Des hommes tres-bons et tres-sincerement religieux, d
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