lie de vin, quelquefois
couronne de pampres comme un Silene antique, ou affuble d'un masque
grotesque. Une tasse ebrechee ou un vieux sabot pendu a sa ceinture lui
sert a demander l'aumone du vin. Personne ne la lui refuse, et il feint
de boire immoderement, puis il repand le vin par terre, en signe de
libation, a chaque pas.
"Il tombe, il se roule dans la boue, il affecte d'etre en proie a
l'ivresse la plus honteuse. Sa pauvre _femme_ court apres lui, le
ramasse, appelle au secours, arrache les cheveux de chanvre qui sortent
en meches herissees de sa cornette immonde, pleure sur l'abjection de
son mari, et lui fait des reproches pathetiques.
"Tel est le role de la jardiniere, et ses lamentations durent pendant
toute la comedie. Car c'est une veritable comedie libre, improvisee,
jouee en plein air, sur les chemins, a travers champs, alimentee par
tous les incidents fortuits de la promenade, et a laquelle tout le monde
prend part, gens de la noce et du dehors, hotes des maisons et passants
des chemins, durant une grande partie de la journee. Le theme est
invariable, mais on brode a l'infini sur ce theme, et c'est la qu'il
faut voir l'instinct mimique, la faconde de sang-froid, l'esprit de
repartie et meme l'eloquence naturelle de nos paysans.
"Le role de la jardiniere est ordinairement confie a un homme mince,
imberbe et a teint frais, qui sait donner une grande verite a son
personnage et jouer le desespoir burlesque avec assez de naturel pour
qu'on en soit egaye et attriste en meme temps, comme d'un fait reel.
"Apres que le malheur de la _femme_ est constate par ses plaintes, les
jeunes gens de la noce l'engagent a laisser la son ivrogne de mari et a
se divertir avec eux. Ils lui offrent le bras et l'entrainent. Peu a peu
elle s'abandonne, s'egaye, se met a courir tantot avec l'un, tantot avec
l'autre, prenant des allures devergondees. Ceci est une _moralite_.
L'inconduite du mari provoque celle de la femme.
"Le _paien_ se reveille alors de son ivresse. Il cherche des yeux sa
compagne, s'arme d'une corde et d'un baton et court apres elle. On le
fait courir, on se cache, on passe la _paienne_ de l'un a l'autre, on
essaye de distraire et de tromper le jaloux. Enfin, il rejoint son
infidele et veut la battre; mais tout le monde s'interpose. _Ne la
battez pas, ne battez jamais votre femme_! est la formule qui se repete
a satiete dans ces scenes.
"Il y a dans tout cela un enseignement naif, grossier meme, qui sen
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