ncore en vigueur, je crois devoir y revenir ici.
Ce jour-la, les noceux quittent la maison avec les maries et la musique;
on s'en va en cortege arracher dans quelque jardin le plus beau chou
qu'on puisse trouver. Cette operation dure au moins une heure. Les
anciens se forment en conseil autour des legumes soumis a la discussion
qui precede le choix definitif: ils se font passer, de nez a nez, une
immense paire de lunettes grotesques, ils se tiennent de longs discours,
ils dissertent, ils consultent, ils se disent a l'oreille des paroles
mysterieuses, ils se prennent le menton ou se grattent la tete comme
pour mediter; enfin ils jouent une sorte de comedie a laquelle doit se
preter quiconque a de l'esprit et de l'usage parmi les graves parents et
invites de la noce.
Enfin le choix est fait. On dresse des cordes qu'on attache au pied du
chou dans tous les sens. Un pretendu geometre ou necromant (c'est tout
un dans les idees de l'assistance) apporte une maniere de compas, une
regle, un niveau, et dessine je ne sais quels plans cabalistiques autour
de la plante consacree. Les fusils et les pistolets donnent le signal.
La vielle grince, la musette braille; chacun tire la corde de son cote,
et enfin, apres bien des hesitations et des efforts simules, le chou est
extrait de la terre et plante dans une grande corbeille avec des fleurs,
des rubans, des banderoles et des fruits. Le tout est mis sur une
civiere que quatre hommes des plus vigoureux soulevent et vont emporter
au domicile conjugal.
Mais alors apparait tout a coup un couple effrayant, bizarre,
qu'accompagnent les cris et les huees des chiens effrayes et des enfants
moqueurs. Ce sont deux garcons dont l'un est habille en femme. C'est le
_jardinier_ et la _jardiniere_. Le mari est le plus sale des deux. C'est
le vice qui est cense l'avoir avili; la femme n'est que malheureuse et
degradee par les desordres de son epoux. Ils se disent preposes a la
garde et a la culture du chou sacre.
"Le mari porte diverses qualifications qui toutes ont un sens. On
l'appelle indifferemment le _pailloux_, parce qu'il est parfois coiffe
d'une perruque de paille et qu'il se rembourre le corps de bosses de
paille, sous sa blouse; le _peilloux_, parce qu'il est couvert de
_peilles_ (guenilles, en vieux francais; Rabelais dit _peilleroux_ et
_coqueteux_ quand il parle des mendiants); enfin le _paien_, ce qui est
plus significatif encore.
"Il arrive le visage barbouille de suie et de
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